Tu avais fini de frotter le canon et tu remontais la culasse, que tu avais également nettoyée.
Alors tu levas et abaissas plusieurs fois le fusil en épaulant à chaque
fois. Mais peu après le fusil ne bougea plus. Tu l'appuyas fermement
contre ton épaule et tu visas, en fermant un œil.
Je me rendis compte que le canon était manifestement dirigé vers mon dos.
"Monsieur Rikyu a assisté à la mort de beaucoup de samouraïs... Combien
d'entre eux ont dégusté le thé préparé par Monsieur Rikyu avant d'aller
trouver la mort sur le champ de bataille ? Quand on a assisté à la mort
de tant de guerriers, on ne peut pas se permettre de mourir dans son lit
!"
Non, Monsieur Rikyu (1522-1591), Grand Maître de thé issu du bouddhisme
zen, n'est pas mort dans son lit ! Il s'est fait hara-kiri à l'âge de 69
ans. Pourquoi s'est-il donné la mort ? Un vieux moine, son disciple,
tente d'élucider le mystère de ce suicide.
Ce livre enquête nous projette dans le Japon de la fin du XVIème et du
début du XVIIème siècle. A cette époque, la cérémonie du thé était un
acte grave, un rituel qui témoignait d'un engagement redoutable,
empreint d'exigences éthiques et politiques, prétexte parfois à des
négociations secrètes.
Le Maître de thé est donc tout naturellement un roman d'initiation, de
méditation, lyrique et sensuel à la fois. A travers la figure historique
de Rikyu, Yasushi Inoué (1907-1991) dresse le portrait d'une génération
hantée par la mort. Étrange de penser qu'il a écrit là son dernier
récit et sans doute son chef-d’œuvre, publié en 1991, l'année même de sa
disparition !
Yasushi Inoué Né(e) à : Asahikawa , le 06/05/1907 Mort(e) à : Tokyo , le 29/01/1991
est un romancier japonais.
Fils d'un chirurgien militaire souvent muté, il est pendant un temps
élevé par la maîtresse de son arrière grand-père, une ancienne geisha
qu'il appelle grand-mère - alors qu'elle est étrangère à la famille
Inoué. Il racontera plus tard cette enfance dans son roman
autobiographique "Shirobamba". Il est un pratiquant assidu du judo
(ceinture noire).
Il écrit des poèmes dès 1929. Après des études en philosophie à Kyoto et
une thèse sur Paul Valéry, il se lance dans la littérature en publiant
des poèmes et nouvelles dans des magazines, puis dans le journalisme,
carrière entrecoupée par le service militaire (1937-1938).
En 1949, il publie "Le fusil de chasse" et se fait connaître grâce à une
nouvelle récompensée la même année par le prestigieux Prix Akutagawa :
"Combats de taureaux". Il se met ensuite à publier un grand nombre de
romans et de nouvelles dont les thèmes sont souvent historiques et
minutieusement documentés, comme "La Tuile de Tenpyō" (1957) "Le loup
bleu" - roman sur Gengis Khan (1959) ou "Le Maître de thé" (1981).
En 1964, il est élu à l’Académie des Arts et préside l’Association
littéraire japonaise de 1969 à 1972. Il reçoit l’Ordre National du
Mérite en 1976. Il est également élu vice-président du PEN Club
International en 1984.
Certaines de ses œuvres ont été adaptées au cinéma. "Le Sabre des
Takeda" (en 1953) est adapté par Hiroshi Inagaki. "Asunarô" est adapté
en 1955 par Akira Kurosawa et filmé par Hiromichi Horikawa. "Le Maître
de thé" inspira Kei Kumai pour son film "La Mort d'un maître de thé" en
1989 qui obtint un Lion d'argent au Festival du film de Venise.