Composé en 1257 après une méditation de son auteur sur le mont Alverne,
cet ouvrage mystique est divisé en sept chapitres, chacun correspondant à
l'un des sept jours de la Création. Il propose une approche
philosophique, théologique et mystique sur le chemin de l'élévation
spirituelle vers Dieu, sous le patronage de saint François d'Assise.
Né probablement aux alentours de 1217 et mort en 1274, il vécut au XIII
e
siècle, à une époque où la foi chrétienne, profondément imprégnée dans
la culture et dans la société de l'Europe, inspira des œuvres durables
dans le domaine de la littérature, des arts visuels, de la philosophie
et de la théologie. Parmi les grandes figures chrétiennes qui
contribuèrent à la composition de cette harmonie entre foi et culture se
distingue précisément Bonaventure, homme d'action et de contemplation,
de profonde piété et de prudence dans le gouvernement.
Il
s'appelait Jean de Fidanza. Comme il le raconte lui-même, un épisode qui
eut lieu alors qu'il était encore jeune garçon, marqua profondément sa
vie. Il avait été frappé d'une grave maladie, et pas même son père, qui
était médecin, espérait pouvoir le sauver de la mort. Alors, sa mère eut
recours à l'intercession de saint François d'Assise, canonisé depuis
peu. Et Jean guérit.
La figure du Poverello d'Assise lui
devint encore plus familière quelques années plus tard, alors qu'il se
trouvait à Paris, où il s'était rendu pour ses études. Il avait obtenu
le diplôme de Maître d'Art, que nous pourrions comparer à celui d'un
prestigieux institut de notre époque. À ce moment, comme tant de jeunes
par le passé et encore aujourd'hui, Jean se posa une question cruciale :
« Que dois-je faire de ma vie ? ». Fasciné par le témoignage de ferveur
et de radicalité évangélique des Frères mineurs, qui étaient arrivés à
Paris en 1219, Jean frappa aux portes du couvent franciscain de la ville
et demanda à être accueilli dans la grande famille des disciples de
saint François. De nombreuses années plus tard, il expliqua les raisons
de son choix : chez saint François et dans le mouvement auquel il avait
donné naissance, il reconnaissait l'action du Christ. Il écrivait ceci
dans une lettre adressée à un autre frère : « Je confesse devant Dieu
que la raison qui m'a fait aimer le plus la vie du bienheureux François
est qu'elle ressemble aux débuts et à la croissance de l'Église.
L'Église commença avec de simples pêcheurs, et s'enrichit par la suite
de docteurs très illustres et sages ; la religion du bienheureux
François n'a pas été établie par la prudence des hommes mais par le
Christ » (1).
Il revêtit l'habit franciscain
C'est
pourquoi, autour de l'an 1243, Jean revêtit l'habit franciscain et prit
le nom de Bonaventure. Il fut immédiatement dirigé vers les études, et
fréquenta la Faculté de théologie de l'université de Paris, suivant un
ensemble de cours de très haut niveau. Il obtint les divers titres
requis pour la carrière académique, ceux de « bachelier biblique » et de
« bachelier sentencier ». Ainsi, Bonaventure étudia-t-il en profondeur
l'Écriture sainte, les Sentences de Pierre Lombard, le manuel de
théologie de l'époque, ainsi que les plus importants auteurs de
théologie, et, au contact des maîtres et des étudiants qui affluaient à
Paris de toute l'Europe, il mûrit sa propre réflexion personnelle et une
sensibilité spirituelle de grande valeur qu'au cours des années
suivantes il sut transcrire dans ses œuvres et dans ses sermons,
devenant ainsi l'un des théologiens les plus importants de l'histoire de
l'Église. Il est significatif de rappeler le titre de la thèse qu'il
défendit pour être habilité à l'enseignement de la théologie, la licentia ubique docendi, comme l'on disait alors. Sa dissertation avait pour titre Questions sur la connaissance du Christ.
Ce sujet montre le rôle central que le Christ joua toujours dans la vie
et dans l'enseignement de Bonaventure. Nous pouvons dire sans aucun
doute que toute sa pensée fut profondément christocentrique.
Les ordres mendiants contestés
Dans
ces années-là, à Paris, la ville d'adoption de Bonaventure, se
répandait une violente polémique contre les Frères mineurs de saint
François d'Assise et les Frères prédicateurs de saint Dominique de
Guzman. On leur contestait le droit d'enseigner à l'Université, et l'on
allait jusqu'à mettre en doute l'authenticité de leur vie consacrée.
Assurément, les changements introduits par les ordres mendiants dans la
manière d'envisager la vie religieuse, dont j'ai parlé dans les
catéchèses précédentes, étaient tellement innovants que tous ne
parvenaient pas à les comprendre. S'ajoutaient ensuite, comme cela
arrive parfois même entre des personnes sincèrement religieuses, des
raisons dues à la faiblesse humaine, comme l'envie et la jalousie.
Bonaventure, même s'il était confronté à l'opposition des autres maîtres
universitaires, avait déjà commencé à enseigner à la chaire de
théologie des franciscains et, pour répondre à qui contestait les ordres
mendiants, il composa un écrit intitulé La perfection évangélique.
Dans cet écrit, il démontre comment les ordres mendiants, spécialement
les Frères mineurs, en pratiquant les vœux de chasteté et d'obéissance,
suivaient les conseils de l'Évangile lui-même. Au-delà de ces
circonstances historiques, l'enseignement fourni par Bonaventure dans
son œuvre et dans sa vie demeure toujours actuel : l'Église est rendue
plus lumineuse et plus belle par la fidélité à la vocation de ses fils
et de ses filles qui non seulement mettent en pratique les préceptes
évangéliques mais, par la grâce de Dieu, sont appelés à en observer les
conseils et témoignent ainsi, à travers leur style de vie pauvre, chaste
et obéissant, que l'Évangile est une source de joie et de perfection.
Le
conflit retomba, au moins un certain temps, et, grâce à l'intervention
personnelle du Pape Alexandre IV, en 1257, Bonaventure fut reconnu
officiellement comme docteur et maître de l'université parisienne. Il
dut toutefois renoncer à cette charge prestigieuse, parce que, la même
année, le Chapitre général de l'ordre l'élut ministre général.
Biographe officiel de saint François
Il
exerça cette fonction pendant dix-sept ans avec sagesse et dévouement,
visitant les provinces, écrivant aux frères, intervenant parfois avec
une certaine sévérité pour éliminer les abus. Quand Bonaventure commença
ce service, l'Ordre des Frères mineurs s'était développé de manière
prodigieuse : il y avait plus de 30 000 frères dispersés dans tout
l'Occident avec des présences missionnaires en Afrique du Nord, au
Moyen-Orient, et également à Pékin. Il fallait consolider cette
expansion et surtout lui conférer, en pleine fidélité au charisme de
François, une unité d'action et d'esprit. En effet, parmi les disciples
du saint d'Assise, on enregistrait différentes façons d'interpréter le
message et il existait réellement le risque d'une fracture interne. Pour
éviter ce danger, le chapitre général de l'Ordre, qui eut lieu à
Narbonne en 1260, accepta et ratifia un texte proposé par Bonaventure,
dans lequel on recueillait et on unifiait les normes qui réglementaient
la vie quotidienne des Frères mineurs. Bonaventure avait toutefois
l'intuition que les dispositions législatives, bien qu'elles fussent
inspirées par la sagesse et la modération, n'étaient pas suffisantes
pour assurer la communion de l'esprit et des cœurs. Il fallait partager
les mêmes idéaux et les mêmes motivations. C'est pour cette raison que
Bonaventure voulut présenter le charisme authentique de François, sa vie
et son enseignement. Il rassembla donc avec un grand zèle des documents
concernant le Poverello et il écouta avec attention les
souvenirs de ceux qui avaient directement connu François. Il en naquit
une biographie, historiquement bien fondée, du saint d'Assise, intitulée
Legenda Maior, rédigée également sous forme plus brève, et donc appelée Legenda Minor. Le mot latin, à la différence du mot italien, n'indique pas un fruit de l'imagination, mais, au contraire, « Legenda
» signifie un texte faisant autorité, « à lire » de manière officielle.
En effet, le Chapitre des Frères mineurs de 1263, qui s'était réuni à
Pise, reconnut dans la biographie de saint Bonaventure le portrait le
plus fidèle du fondateur et celle-ci devint ainsi la biographie
officielle du saint.
Quelle est l'image de François qui ressort
du cœur et de la plume de son pieux fils et successeur, saint
Bonaventure ? Le point essentiel : François est un alter Christus,
un homme qui a cherché passionnément le Christ. Dans l'amour qui pousse
à l'imitation, il s'est conformé entièrement à lui. Bonaventure
indiquait cet idéal vivant à tous les disciples de François. Cet idéal,
valable pour chaque chrétien, hier, aujourd'hui et à jamais, a été
indiqué comme programme également pour l'Église du troisième millénaire
par mon prédécesseur, le vénérable Jean-Paul II. Ce programme,
écrivait-il dans la Lettre Novo millennio ineunte, est centré «
sur le Christ lui-même, qu'il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre
en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à
son achèvement dans la Jérusalem céleste » (n. 29) (a).
En 1273,
la vie de saint Bonaventure connut un autre changement. Le Pape
Grégoire X voulut le consacrer évêque et le nommer cardinal. Il lui
demanda également de préparer un événement ecclésial très important : le
IIe Concile œcuménique de Lyon, qui avait pour but le
rétablissement de la communion entre l'Église latine et l'Église
grecque. Il se consacra à cette tâche avec diligence, mais il ne réussit
pas à voir la conclusion de cette assise œcuménique, car il mourut
pendant son déroulement. Un notaire pontifical anonyme composa un éloge
de Bonaventure, qui nous offre un portrait conclusif de ce grand saint
et excellent théologien : « Un homme bon, affable, pieux et
miséricordieux, plein de vertus, aimé de Dieu et des hommes... En effet,
Dieu lui avait donné une telle grâce, que tous ceux qui le voyaient
étaient envahis par un amour que le cœur ne pouvait pas cacher » (2).
Recueillons
l'héritage de ce grand Docteur de l'Église, qui nous rappelle le sens
de notre vie avec les paroles suivantes : « Sur la terre... nous pouvons
contempler l'immensité divine à travers le raisonnement et l'admiration
; dans la patrie céleste, en revanche, à travers la vision, lorsque
nous serons faits semblables à Dieu, et à travers l'extase... nous
entrerons dans la joie de Dieu » (3).