Jeanne d’Arc racontée par Jules Michelet
Jeanne d’Arc : récit de la vie et la mort de celle qu’on appela la Pucelle d’Orléans
Jules Michelet
Paris, Les Perséides, 2004. 144 pages.
« Jeanne d’Arc, fille du peuple »
L’ouvrage paraît en 1853 mais, de façon non autonome, on le trouve dès 1841, dans le tome V de L’Histoire de France de Jules Michelet.
Le récit comporte six parties :
I Enfance et vocation de Jeanne.
II Jeanne délivre Orléans et fait sacrer le roi à Reims.
III Jeanne est trahie et livrée.
IV le procès. Jeanne refuse de se soumettre à l’église.
V La tentation.
VI La mort.
Pour Michelet, Jeanne d’Arc est la fille du peuple! Elle reprend le roi au nom du peuple quand elle estime qu’il n’est pas à la hauteur de son rang et de sa fonction. Bref une Jeanne qui annoncerait la Révolution française.
Aucun autre écrivain et historien n’a joué un rôle aussi déterminant dans la popularisation et le développement de l’image de Jeanne d’Arc au XIXe siècle que Michelet. Il est au cœur de la réforme historiographique et fait la synthèse de tout ce que la nouvelle école des chercheurs français avait postulé et apporté. L’apport de Michelet est d’être arrivé à créer une image de Jeanne qui résiste à la bipolarisation des « Deux France ». Pour lui, dès 1834, Jeanne d’Arc est le premier personnage à avoir donné une expression cohérente au sentiment national naissant des Français. Quicherat, quant à lui, édite les actes du procès de Jeanne d’Arc ainsi que d’autres sources. Une nouvelle image de Jeanne est donc perceptible. Pour Quicherat, Michelet popularise la « véritable » image de Jeanne.
En 1429, le peuple de France,
meurtri par la guerre de Cent Ans, perçoit l’écho d’une étrange rumeur :
Jeanne d’Arc, une jeune paysanne lorraine de dix-sept ans, prétend avoir
reçu de la part des saints Michel, Marguerite d’Antioche et Catherine
la mission de délivrer la France de l’occupation anglaise et de porter
le dauphin de France, Charles, sur le trône. Rendue auprès de la cour,
réfugiée à Chinon, en février 1429, la « pucelle » s’attire la confiance
du dauphin, qui accepte lui confier des troupes. Irradiant ses
compagnons d’armes de sa bravoure et de son extraordinaire
détermination, elle conduit victorieusement les troupes françaises
contre les Anglais qui assiègent Orléans. Cette victoire ouvre la route
de Reims au dauphin; le 17 juillet 1429, il y est sacré roi de France.
Suite à cet événement, le cours de
la guerre de Cent Ans s’infléchit ; bientôt la reconquête du domaine
royal français y mettra un terme. Mais Jeanne, égérie du renouveau
français va chèrement payer son audace. Capturée par les Bourguignons à
Compiègne en 1430, elle est vendue aux Anglais par Jean de
Luxembourg-Ligny, puis condamnée à être brûlée vive en
1431 après un procès en hérésie. Son martyre fait d’elle une sainte
patronne de la nation française ; un mythe qui depuis a dépassé les
frontières. L’œuvre magistrale de Jules Michelet (1798-1874), parue pour
la première fois en 1841, fait de Jeanne d’Arc l’incarnation du
sentiment national français: « Souvenons-nous, Français, que la patrie
chez nous est née du coeur d’une femme, de sa tendresse et des larmes,
du sang qu’elle a donné pour nous. »
Extrait : « Livrée en trahison, outragée des barbares, tentée des pharisiens qui essayent en vain de la prendre par ses paroles, elle résiste à tout en ce dernier combat, elle monte au-dessus d’elle-même, éclate en paroles sublimes qui feront pleurer éternellement… Abandonnée et de son roi et du peuple qu’elle a sauvés, par le cruel chemin des flammes elle revient dans le sein de Dieu. Elle n’en fonde pas moins sur l’échafaud le droit de la conscience, l’autorité de la voix intérieure. Nul idéal qu’avait pu se faire l’homme n’a approché de cette très certaine réalité. Ce n’est pas ici un docteur, un sage éprouvé par la vie, un martyr fort de ses doctrines, qui pour elle accepte la mort. C’est une fille, un enfant qui n’a de force que son cœur. Le sacrifice n’est pas accepté et subi ; la mort n’est point passive. C’est un dévouement voulu, prémédité, couvé pendant de longues années...
Quelques extraits :
« Ce qui fait de Jeanne une figure éminemment originale, ce qui la sépare de la foule des enthousiastes qui dans les âges d’ignorance entraînèrent les masses populaires, c’est que ceux-ci pour la plupart durent leur puissance à une force contagieuse de vertige. Elle, au contraire, eut action par la vive lumière qu’elle jeta sur une situation obscure, par une force singulière de bon sens et de bon cœur. »
« C’était un rude voyage et bien périlleux qu’elle entreprenait. Tout le pays était couru par les hommes d’armes des deux partis. Il n’y avait plus ni route, ni pont ; les rivières étaient grosses ; c’était au mois de février 1429. S’en aller ainsi avec cinq ou six hommes d’armes, il y avait de quoi faire trembler une fille. »
La sorcière avait dix-huit ans;
c’était une belle fille et fort désirable, assez grande de taille, la
voix douce et pénétrante. –
Elle
se présenta humblement, » comme une pauvre petite bergerette « , démêla
au premier regard le roi, qui s’était mêlé exprès à la foule des
seigneurs, et quoiqu’il soutînt d’abord qu’il n’était pas le roi, elle
lui embrassa les genoux. Mais, comme il n’était pas sacré, elle ne
l’appelait que Dauphin : » Gentil Dauphin, dit-elle, j’ai nom Jehanne
la Pucelle. Le Roi des cieux vous mande par moi que vous serez sacré et
couronné en la ville de Reims, et vous serez lieutenant du Roi des
cieux, qui est roi de France. » ,
« A Orléans, l’invincible
gendarmerie, les fameux archers, Talbot en tête, avaient montré le dos ;
à Jargeau, dans une place et derrière de bonnes murailles, ils
s’étaient laissés prendre ; à Patay, ils avaient fui à toutes jambes,
fui devant une fille… Voilà qui était dur à penser, voilà ce que ces
taciturnes Anglais ruminaient sans cesse en eux-mêmes. Une fille leur
avait fait peur, et il n’était pas bien sûr qu’elle ne leur fit peur
encore, tout enchaînée qu’elle était… Non pas elle, apparemment, mais le
diable dont elle était l’agent, ils tâchaient du moins de le croire ainsi et de le faire croire. »
Jamais les Juifs ne furent si animés contre Jésus que les Anglais contre la Pucelle. Elle les avait, il faut le dire, cruellement blessés à l’endroit le plus sensible, dans l’estime naïve et profonde qu’ils ont pour eux-mêmes. A Orléans, l’invincible gendarmerie, les fameux archers, Talbot en tête, avaient montré le dos ; à Jargeau, dans une place et derrière de bonnes murailles, ils s’étaient laissés prendre ; à Patay, ils avaient fui à toutes jambes, fui devant une fille… Voilà qui était dur à penser, voilà ce que ces taciturnes Anglais ruminaient sans cesse en eux-mêmes. Une fille leur avait fait peur, et il n’était pas bien sûr qu’elle ne leur fit peur encore, tout enchaînée qu’elle était… Non pas elle, apparemment, mais le diable dont elle était l’agent, ils tâchaient du moins de le croire ainsi et de le faire croire.
« Livrée en trahison, outragée des barbares, tentée des pharisiens qui essayent en vain de la prendre par ses paroles, elle résiste à tout en ce dernier combat, elle monte au-dessus d’elle-même, éclate en paroles sublimes qui feront pleurer éternellement… Abandonnée et de son roi et du peuple qu’elle a sauvés, par le cruel chemin des flammes elle revient dans le sein de Dieu. Elle n’en fonde pas moins sur l’échafaud le droit de la conscience, l’autorité de la voix intérieure. Nul idéal qu’avait pu se faire l’homme n’a approché de cette très certaine réalité. Ce n’est pas ici un docteur, un sage éprouvé par la vie, un martyr fort de ses doctrines, qui pour elle accepte la mort. C’est une fille, un enfant qui n’a de force que son cœur. Le sacrifice n’est pas accepté et subi ; la mort n’est point passive. C’est un dévouement voulu, prémédité, couvé pendant de longues années…
Jamais les Juifs ne furent si animés contre Jésus que les Anglais contre la Pucelle. Elle les avait, il faut le dire, cruellement blessés à l’endroit le plus sensible, dans l’estime naïve et profonde qu’ils ont pour eux-mêmes. A Orléans, l’invincible gendarmerie, les fameux archers, Talbot en tête, avaient montré le dos ; à Jargeau, dans une place et derrière de bonnes murailles, ils s’étaient laissés prendre ; à Patay, ils avaient fui à toutes jambes, fui devant une fille… Voilà qui était dur à penser, voilà ce que ces taciturnes Anglais ruminaient sans cesse en eux-mêmes. Une fille leur avait fait peur, et il n’était pas bien sûr qu’elle ne leur fit peur encore, tout enchaînée qu’elle était… Non pas elle, apparemment, mais le diable dont elle était l’agent, ils tâchaient du moins de le croire ainsi et de le faire croire.
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