24 août 410 : la ville de Rome est mise à sac par Alaric 1er, roi des Wisigoths. 11 septembre 2001 : les Twin Towers s'écroulent, frappées par deux avions détournés par des terroristes. Dans le premier cas, la civilisation de l'Antiquité achève de s'écrouler ; dans le second, c'est la suprématie de l'Occident qui vacille. Entre ces deux dates, Maurice Sachot explore ce qui fait le fond même de la " civilisation " occidentale. Pour lui, même la sécularisation et la laïcisation qui semblent caractériser l'emprise que l'Occident a acquise sur le monde se définissent par référence au christianisme. C'est donc l'histoire de cette christianisation du monde qu'il raconte ici, privilégiant l'époque où tout s'est constitué, au basculement de l'Antiquité. Comment le christianisme s'est-il constitué et comment, ainsi, a-t-il transformé le monde ? Quels sont, par-delà les pays, les communautés, les époques, les traits qui ont fait la civilisation dite occidentale ? Venue de l'histoire des religions, une étonnante synthèse pour éclairer les débats d'aujourd'hui.
Auctoritas et potestas : Quel type de légitimation pour le pouvoir ?
Pour une grande partie des populations occidentales, la démocratie traverse une crise, et la légitimité même de l’action politique semble remise en cause (au profit d’un économisme hypertrophié) ; c’est un aspect de cette fragilisation que nous allons essayer d’éclairer à partir du couple de concepts « auctoritas-potestas » mis en exergue par Maurice Sachot dans un livre qu’il vient de consacrer à la manière dont le christianisme a transformé la pensée politique occidentale.
La thèse de l’auteur est que le christianisme (qui s’est lui-même constitué dans les trois premiers siècles de notre ère à travers trois énormes confrontations avec la Loi morale juive, avec la philosophie hellène et avec les institutions de l’Empire Romain) a complètement bouleversé le mode de légitimation du politique de l’Occident jusqu’à son actuelle mondialisation, au moment même où l’Empire vacillait sur ses bases aux frontières et à Rome. Or cet Empire Romain avait su établir tout autour de la Méditerranée une Paix et une civilité jusque là inégalée en ajoutant aux Empires Hellénistiques (dont il prenait la succession) la solidité d’institutions durables et la force d’un Code de lois qui, formulées dans une même langue latine, s’appliquent à tous d’une même manière. Maurice Sachot montre comment tout cet ensemble institutionnel et juridique repose sur la « potestas » du pouvoir politique et militaire romain, lequel repose lui-même sur l’autorité d’une « auctoritas » qui la transcende. La pensée politique latine a ainsi systématisé cette distinction qui permet de « civiliser » l’usage de la force politique (et qui n’existait pas en grec) : l’ « auctoritas » donne un sens et des limites à l’exercice de la « potestas ». Quand elle n’est pas fondée sur une auctoritas « légitimée », c’est-à-dire reconnue par les destinataires de la potestas, celle-ci est vécue comme pure violence, comme une suite de coups de force… L’auctoritas donne une justification, une utilité et des limites à la contrainte générée par la potestas ; réduisant les résistances, elle facilite son exercice.
A partir des premières grandes attaques contre Rome, puis pour légitimer le pouvoir des conquérants successifs et jusqu’aux « monarchies absolues », cette autorité sera exercée par la religion chrétienne qui concentrera dans une source unifiée une sacralité capable d’imposer respect et obéissance dans un monde pacifié et intelligible qui échappe au chaos. A l’époque moderne, le Peuple et le « contrat social » se sont substitués à la religion pour reprendre les mêmes prérogatives et garantir le pouvoir des démocraties … Mais c’est bien cette « autorité »-là qui paraît de nos jours quelque peu fragilisée…
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