L’Europe semble avoir oublié qu’elle aussi a forgé en son temps des manuels de sexualité, à l’instar du Kama Sutra indien ou de la Prairie parfumée arabe : comme si les vertus du christianisme avaient nettoyé la littérature de tels vices... Le seul texte qu’il nous reste, c’est l’Art d’aimer d’Ovide, sorte de guide pratique de séduction destiné au deux sexes, où Ovide y enseigne également à faire survivre l’amour à la passion...
Ainsi est-il urgent de (re)lire l’Art d’aimer. D’abord parce que notre société manque cruellement d’une quelconque philosophie amoureuse, époque où la pornographie a détrôné tous les autres manuels amoureux. En effet, le monde de consommation tente de nous faire accroire à une singulière équation: la liberté d’expression - le fait de montrer des corps nus faire l’amour pour de l’argent - serait égal à la liberté des corps qui s’expriment dans ces films... Or, rien n’est plus faux et hasardeux. L’Art d’aimer permet de penser notre vie amoureuse sur le mode de la liberté.
D’autre part, avec son opus pratique, Ovide subvertit les catégories amoureuses, ce dont se souviendront bien après lui, les romanciers courtois du XIIe siècle, tels Chrétien de Troyes : l’homme devient l’esclave de sa maîtresse, son servus et la femme devient la domina. Ainsi naquit le « service d’amour », où l’homme doit montrer à sa bien aimée sa valeur - virtus - amoureuse. L’amour comme la guerre, la métaphore est d’Ovide, demande de la vigueur, de la persistance et... de la folie.
Enfin, c’est un livre qui fait partie du panthéon des ouvrages censurés. Non pas qu’Auguste ait ordonné une véritable interdiction. Mais un ordre d’exil à l’encontre d’Ovide, condamné à habiter au bord de la Mer Noire, pour avoir commis cet ouvrage déjà si immoral en son temps. Il ne s’en remettra jamais. Il fallait y penser. Quoi de plus dur pour un séducteur que de se retrouver au beau milieu de nul part, lui dont la vie sociale est la seule raison de vivre.
La présente édition reprend la magnifique traduction de M. Heguin de Guerle et M. F. Lemaistre pour le compte des éditions Classiques Garnier en 1927.
Ce livre s’adresse à tous ceux soucieux de construire une sexualité libre et heureuse, loin du diktat ambiant des mœurs amoureuses. Dans le pur plaisir de soi et de l’autre.
OVIDE – Une Vie, une Œuvre : 43 av. J.-C./18 ap. J.-C. (Émission de radio, France Culture, 2008)
Ovide 43av-17, en latin Publius Ovidius Naso est un poète latin qui vécut durant la période qui vit la naissance de l'Empire romain.
Son surnom Naso lui vient de son nez proéminent. Il naît un an après
l'assassinat de Jules César, est adolescent lorsqu'Auguste s'empare du
pouvoir pour transformer la République en Empire, et meurt trois ans
après ce premier empereur.
Dès son jeune âge, il est attiré vers la poésie ; il consentit toutefois
à étudier le droit à Rome, pour obéir à la volonté de son père.
Il est l'auteur de plusieurs œuvres qui ont fait date dans la
littérature latine. On distingue trois grandes périodes: les œuvres de
jeunesse, à inspiration élégiaque et érotique, parmi lesquelles "Les
Amours", "l'Art d'aimer", "les Héroïdes", "Les Remèdes à l'amour" et les
"Produits de beauté pour la femme" ; les œuvres à inspiration épique,
"les Métamorphoses" et "les Fastes" ; enfin, les œuvres d'exil, "les
Tristes" et "les Pontiques". Il est également l'auteur d'une tragédie
aujourd'hui perdue, "Médée", et d'un "Contre Ibis" et des
"Halieutiques".
Les raisons de son exil restent mystérieuses : les propos subversifs
tenus dans "l'Art d'aimer" sont la raison principale invoquée par les
critiques. Selon d'autres, il aurait été le témoin d'une scène à
laquelle il n'aurait pas dû assister, ou encore il aurait œuvré au sein
d'un complot contre l'empereur.
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