On
imagine mal ce qu'était le pays des Maures en cette année 1933 où deux jeunes
femmes du meilleur monde, parties à bord d'un langoustier breton à voiles
rousses, se laissent volontairement débarquer sur la grève de Port-Étienne
(aujourd'hui Nouadibhou) pour se perdre dans les sables. Ni mission officielle,
ni subventions, peu d'argent, presque aucun bagage : les voilà qui se lancent à
dos de chameau sur des pistes inconnues (elles parcourront de la sorte
plusieurs milliers de kilomètres), dans une contrée où les militaires français
eux-mêmes osaient à peine patrouiller. Ces vastes solitudes mal pacifiées
étaient pour l'essentiel au pouvoir des pillards locaux, guerriers ombrageux
qui n'acceptaient de vivre qu'à la fortune de leurs rezzou - et qui avaient la
réputation d'occire sans un mot d'explication les étrangers assez fous pour
s'aventurer sur leurs terres.
Contre toute attente, ils offriront aux deux téméraires l'accueil réservé aux
braves, et lieront bientôt avec elles les liens de la plus étroite amitié.
Il faut lire Pieds nus à travers la Mauritanie (le livre-culte qui fit
découvrir, en 1936, Odette de Puigaudeau) à la fois comme un chant d'amour et
comme un avertissement : le désert en effet, sous la plume inspirée de cette
femme (comme sous celle de T.E.
Lawrence ou d'Isabelle Eberhardt), se révèle être le repaire ultime de la
beauté, et le lieu par excellence où s'inscrit et se ressource notre fragile
liberté.
Odette du Puigaudeau, une ethnologue qui a gardé en vie l'histoire des nomades du Maroc
Née dans une famille d'armateur, Odette Loyen 1894-1991du Puigaudeau est la fille de deux artistes, Ferdinand du Puigaudeau, peintre de l'école de Pont-Aven et Henriette Van den Broucke, portraitiste.Elle a grandi au Croizic et en 1920 se rend à Paris pour suivre des cours d'océanographie à la Sorbonne. Elle est aussi dessinatrice et même styliste chez Jeanne Lanvin. Taraudée par l'idée de partir, elle participe à des campagnes de pêche sur des tonniers bretons, comme journaliste.
En 1934, Odette du Puigaudeau s'embarque pour la Mauritanie qu'elle découvre à dos de chameau avec son amie Marion Sénones (1886-1977), l'artiste peintre.
Jusqu'en 1960, toutes deux parcourent la Mauritanie à la rencontre des Maures, de leur vie et de leur histoire. Elles sont chargées de différentes mission ethnographiques ou archéologiques dans cette partie occidentale du Sahara. Elles suivent notamment les caravanes ralliant Tombouctou.
Elle s'établit à Rabat en 1961, où elle réalisa pour la radio des émissions culturelles de 1961 à 1962, devint documentaliste au ministère de l'Information en 1963, et chef du bureau de préhistoire au Musée des antiquités de Rabat de 1970 à 1977. Elle eut pour compagne Marion Sénones, qui partagea sa vie de 1932 jusqu'à son décès à Rabat en octobre 1977.
Odette du Puigaudeau écrivit huit livres, d'innombrables articles et un traité d'ethnologie sur le peuple maure.
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