" En ce dernier temps de sa solitude, couché le visage tourné vers le dossier du divan, de cette solitude parmi les multitudes de la grande ville, parmi la foule des amis et des gens de sa famille - solitude qui nulle part ne pouvait être plus absolue ni au fond de la mer ni sous la terre -, en ce dernier temps de cette abominable solitude, Ivan Ilitch ne vivait plus que par les images de son passé. L'un après l'autre, il se représentait ces tableaux du temps accompli. Cela commençait toujours par les plus récents, et remontait ensuite jusqu'à l'époque la plus lointaine, son enfance, et s'arrêtait là... "
Léon Tolstoï : La Mort d’Ivan Ilitch (1969 / France Culture)
Léon Tolstoï : La Mort d’Ivan Ilitch (1969 / France Culture). Portrait de Léon Tolstoï peint par Ilia Répine, 1887. Diffusion sur France Culture le 15 février 1969.
Une adaptation de Georges Govy, réalisée par Evelyne Frémy. Court roman de Léon Tolstoï, "La Mort d'Ivan Ilitch", écrit en 1886, est l'histoire d'un homme confronté à la mort. Au début de cette nouvelle, le héros – magistrat – est satisfait de sa vie. À mesure toutefois que se développe en lui une douleur qui ne veut pas disparaître et qu’il comprend que sa mort approche, il prend conscience aussi que son entourage ne le voit pas sous un jour aussi avantageux qu’il l’imaginait ; d'abord révolté, il se voit à mesure de ses réflexions obligé de constater que cette image peu flatteuse qu’on a de lui est fondée. Alors qu’il passe par un extrême désespoir se produit pourtant une sorte de transfiguration, un sentiment d’immense pardon venant d’il ne sait où qui le réconcilie avec lui-même, lui rend la sérénité, et ressemble beaucoup à ce que nous nommons aujourd'hui l’expérience de mort imminente : « Et la mort ? Où est-elle ? » Il chercha son ancienne peur et ne la trouva plus. « Où était-elle ? Quelle mort ? Il n’y avait pas de peur, parce qu’il n’y avait pas de mort. » La mort représente l’un des thèmes centraux de l’œuvre de Tolstoï. Mais c’est dans "La Mort d’Ivan Ilitch" qu’elle apparaît de la manière la plus nue, la plus épurée, libérée des artifices romanesques. Un peu comme dans "Thérèse Raquin" d’Émile Zola où le peintre médiocre, auteur d’un crime, finit par créer sous l’emprise perpétuelle de terribles remords et d’angoisses qui l’étreignent des œuvres fortes et sincères, Ivan Ilitch découvre à la fin de sa vie le mensonge, l’hypocrisie omniprésente, la haine, l’affreuse solitude et la reconnaissance de l'échec humain de sa vie – tout entière tournée sur les convenances, l’égoïsme et les plaisirs faciles – et à laquelle la mort semble pourtant apporter à la fois un douloureux repentir et presque une rédemption. Le narrateur n’accompagnera toutefois pas Ilitch au-delà du seuil de la mort, ni ne laissera entendre que cet au-delà existe. Un homme se penchant sur sa vie au moment ultime aura simplement établi la paix avec lui-même et en aura sauvé au moins les derniers instants.
Avec :
Michel Vitold (Ivan Ilitch)
François Maistre (Piotr Ivanovitch)
René Clermont (Sokolnikov)
Jacques Fonson (Gérasim)
Jean Marconi (Léonid)
Danielle Volle (Prascovia Fédorovna)
Annick Korrigan (Lise)
Pièce de Johann Nepomuk Hummel (1778-1837), interprétée au piano par Solange Chiapparin.
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