lundi 5 juillet 2021
Livre - Le Père Joseph Le maitre de Richelieu - Colette Piat
1 Le second ouvrage de Benoist Pierre, paru en 2007, est une biographie à la croisée de plusieurs sillons de recherche : histoire du politique et des cultures politiques, histoire de la diplomatie et du renseignement, histoire sociale de la noblesse et des élites de gouvernement et histoire religieuse. Basée sur des sources nombreuses et diverses (même si l'on pourrait regretter qu'elle néglige un peu les sources romaines) et remarquablement écrite, cette biographie de François Le Clerc de Tremblay, devenu dans l'ordre capucin le Père Joseph de Paris, l'« éminence grise » de Richelieu, s'impose comme une remarquable réussite malgré la difficulté de concilier des historiographies et des problématiques hétérogènes à l'intersection des champs que le récit biographique devait mobiliser pour demeurer historiquement heuristique.
2 On voudrait ici se concentrer plus précisément sur ce qui dans cette étude concerne le religieux. La biographie du Père Joseph proposée ici est une biographie à thèse. À bien des égards, elle s'inscrit clairement dans la continuité de La Bure et le Sceptre (2006), où l'auteur en s'appuyant sur l'exemple des relations multiples entre la congrégation cistercienne des Feuillants et la monarchie, montrait que, s'il y a bien eu une autonomisation du politique au tournant des xvie et xviie siècles, cette autonomisation pouvait être qualifiée d'autonomisation « religieuse », en ce qu'une rationalisation proprement religieuse du politique y a fortement contribué. Un idéal et une mystique de sujétion religieuse pouvaient être mis au service des prétentions absolutistes des princes, laquelle, dans le deuxième tiers du siècle, pouvait même se résoudre en une sainteté civile, une adhésion véritablement religieuse au catholicisme d'État.
3 En étudiant la figure exemplaire du Père Joseph, artisan de la construction de ce catholicisme d'État, c'est bien sur la complexité et la plurivocité des relations entre politique et religion, que Benoist Pierre entend revenir : la vie du capucin semble épouser la chronologie de ces relations, passant d'une aspiration universaliste à la réconciliation pour surmonter les troubles passés (personnels et collectifs) à une véritable religion royale, qui voit dans le service du Roi Très-Chrétien, l'espoir providentiel de la Chrétienté.
4 Ce fil sous-tend la présentation chronologique de la vie du religieux devenu serviteur de la construction de l'État moderne. Ainsi la première partie qui suit le cheminement social, familial et religieux de François Le Clerc jusqu'à son entrée dans l'ordre capucin en 1599, peint un homme traversé par les tensions sociales et religieuses du temps : une famille prise entre un éthos d'épée et la nécessité d'alliance et même de véritable passage à la robe, une famille divisée par les conflits confessionnels, mais aussi par ceux qui opposent les catholiques autour de leur rapport au politique, une famille marquée par les conflits perpétuels que produit le risque d'un déclassement social, enfin une spiritualité caractérisée par une inquiétude mystique encore habitée par une angoisse eschatologique. La vocation du Père Joseph, que l'auteur lie à l'ensemble de ces tensions, apparaît alors non plus seulement comme une fuite du monde, mais plus spécifiquement comme une fuite des « divisions » du monde.
5 En retour, la première période de l'activité de celui qui est désormais le père Joseph, de 1600 à son entrée au service de Richelieu en 1624, est caractérisée par un principe d'action : une recherche plurielle et universelle d'unité. L'auteur en suit la trace et les évolutions dans l'action apostolique du capucin auprès de sa famille, dans les spécificités de sa doctrine par rapport à celle de son maître Benoît de Canfield, dans la direction de la jeune congrégation des Filles du Calvaire, mais aussi dans son action en faveur du projet de croisade de la Milice Chrétienne. L'échec de ce projet aurait incidemment contribué à confirmer l'idée que la prééminence du Roi de France était la condition d'un dépassement des divisions de la Chrétienté, au service de laquelle le Père Joseph mettait aussi une mystique ouvrant la voie à un principe d'autorité de type absolutiste.
6 Enfin, dans la période de pleine activité du Père Joseph, la contradiction entre la vocation première du religieux et son état de vie théorique d'une part, et la vie d'un serviteur de l'État d'autre part, est résolue par une radicalisation du modèle spirituel du Père Joseph et par l'intégration de l'activité politique à un idéal de vie mixte.
7 C'est peut-être cependant à partir de ce dernier point qu'apparaît une des difficultés auxquelles s'est heurté l'auteur. À la figure historique d'un religieux dans lequel s'incarne une aspiration à dépasser les divisions du siècle et qui devient à la fois acteur et exemple de ce dépassement correspond la démarche historienne de l'auteur qui cherche à montrer la cohérence profonde de cette vie exemplaire des évolutions du cat
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