Saint-Simon, à la différence de son parent
l’illustre duc mémorialiste, était un homme tout entier tourné vers
l’avenir. Son œuvre, prophétique, récuse l’individu isolé au profit d’un
idéal social porté par un Etat industriel et une société solidaire. Ce
penseur fulgurant disparaît dans l’obscurité en 1825. Le flambeau passe à
ses disciples qui fondent une école, une famille, une église même sous
la houlette de Prosper Enfantin.
Fantasque et flamboyant, « LE PÈRE » sème l’enthousiasme et récolte le délire. Mais les bizarreries du saint-simonisme importent moins que ses idées-forces : la femme doit devenir l’avenir de l’homme, la Méditerranée former un système, l’Europe se fédérer, la colonisation s’amender en association… Surtout, les saint-simoniens conçoivent déjà le monde comme un réseau. Ils sont les inspirateurs du canal de Suez, du développement des chemins de fer et des banques modernes.
Vaste bilan, pourtant largement occulté, le mépris de la droite répondant au malaise de la gauche, longtemps dominée par le marxisme et gênée par certaines dérives sectaires du mouvement. D’où l’intérêt de cette belle étude, introuvable depuis des années alors qu’elle demeure indispensable pour connaître un des courants de pensée les plus originaux et féconds de notre histoire. Jean Lebrun lui redonne tout son lustre au moyen d’une édition sélective précédée d’une préface dans laquelle il insiste sur la modernité d’une mouvance qui a voulu dépasser les clivages défunts pour ensemencer l’avenir. Une anticipation du macronisme !
Membre de l’Institut, Sébastien Charléty est l’auteur de « peu de livres mais qui brillent tous d’une vive clarté » (Jean Lebrun). Son Histoire de la monarchie de Juillet vient d’être republiée chez Perrin avec une présentation d’Arnaud Teyssier.
Agrégé d’histoire, Jean Lebrun anime « La marche de l’histoire » sur France Inter. Il a publié l’année dernière chez Perrin une édition critique remarquée des Mémoires de ma vie de Charles de Rémusat.
Saint-Simon: une oeuvre pour notre temps?
En ce 22 mai 1825, un cortège funéraire se dirige vers le cimetière du
père Lachaise de l'est parisien. L'intimité du convoi laisse
difficilement imaginer que l'homme qui vient de s'éteindre illuminera de
sa pensée, tout le XIXème siècle français. Olindes Rodriguès, Auguste
Comte, Augustin Thierry, Prosper Enfantin entourent le cortège. Ce sont
eux qui vont développer la notoriété de leur ami. Le crépuscule de la
vie du comte Henri Claude de Saint-Simon entraîne l'aurore et le
rayonnement de ses idées, mais également la mise en pratique des
méthodes sociales et industrielles issues de ses réflexions. Cette école
de pensée sera nommée le Saint-Simonisme. Moins de cent ans plus tard,
un peintre belge, Charles Houry, imagine les derniers instants de
saint-Simon, comme un triomphe: Saint-Simon est un maître pour l'élite
de son temps et... pour toute sa société? Au même moment, Sébastien
Charléty, un célèbre historien, membre de l'Institut, président de la
Commission supérieure des archives nationales estime suffisamment le
cours de ces idées pour en écrire l'histoire. Nous sommes en 1896. Le
comte Henri Claude de Saint-Simon, né en 1760, cousin du mémorialiste de
la cour de Louis XIV, penseur, économiste, philosophe est bien moins
connu de son temps que post mortem. Aujourd'hui, on n'évoque peu
Saint-Simon. Un fou? Un exalté? L'idole spirituelle d'un mouvement qui
lui échappe ? L'inventeur du socialisme? Et pourtant Saint-Simon est
plus qu'un théoricien soutenu et prêché par un collectif d'amis. Il est à
l'origine d'une philosophie, le germe d'une conception de la société et
du politique, d'une école de pensée. Jean Le Brun le présente au cours
de cette émission. Il est interrogé par Mari-Gwenn Carichon.
Notre invité: Jean Lebrun est agrégé d'histoire. Il anime La Marche de
l'histoire sur France Inter et nous faire re-découvrir le Saint
Simonisme en dirigeant une nouvelle édition de l'ouvrage de Sébastien
Charléty : Histoire du Saint Simonisme, aux éditions Perrin.
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