Longtemps occulté par la dimension psychologique d’une œuvre qui semblait tout entière dédiée à l’exploration des tourments du cœur et de l’esprit, le « sens du social » de Proust apparaît désormais avec évidence. Il est du moins aisé de lire la Recherche comme une succession de scènes de salon où se déploient, au gré des interactions des personnages, des luttes de pouvoir et de prestige entre castes ou clans.
Mais cette description acérée du chassé-croisé d’une noblesse en déliquescence et d’une bourgeoisie cloisonnée se réduit-elle à une « sociologie amusante » de la Belle Époque ? Et si l’on trouvait, chez ce contemporain de la naissance d’une discipline avec laquelle il avait pourtant peu d’affinités, une pensée du social originale, susceptible d’aiguiser notre propre regard sociologique ? Telle est la piste, audacieuse et féconde, que nous invite à suivre ici Jacques Dubois. Le petit monde proustien auquel il nous introduit se révèle peuplé de figures clivées, ambivalentes, à l’image de Gilberte Swann, dont le caractère « alternatif » est emblématique des héritages concurrents dont nous sommes porteurs, au point que certains en arrivent à renier d’un instant sur l’autre les versions précédentes d’eux-mêmes.
En distillant avec humour et finesse la sociologie paradoxale qui irrigue le grand œuvre proustien, Jacques Dubois nous en offre une puissante redécouverte.
Le roman de Gilberte Swann : Proust sociologue paradoxal
Longtemps occulté par la dimension psychologique d'une oeuvre qui semblait tout entière dédiée à l'exploration des tourments du coeur et de l'esprit, le « sens du social » de Proust apparaît désormais avec évidence. Il est du moins aisé de lire la Recherche comme une succession de scènes de salon où se déploient, au gré des interactions des personnages, des luttes de pouvoir et de prestige entre castes ou clans.
Mais cette description acérée du chassé-croisé d'une noblesse en déliquescence et d'une bourgeoisie cloisonnée se réduit-elle à une « sociologie amusante » de la Belle Époque ? Et si l'on trouvait, chez ce contemporain de la naissance d'une discipline avec laquelle il avait pourtant peu d'affinités, une pensée du social originale, susceptible d'aiguiser notre propre regard sociologique ? Telle est la piste, audacieuse et féconde, que nous invite à suivre ici Jacques Dubois. Le petit monde proustien auquel il nous introduit se révèle peuplé de figures clivées, ambivalentes, à l'image de Gilberte Swann, dont le caractère « alternatif » est emblématique des héritages concurrents dont nous sommes porteurs, au point que certains en arrivent à renier d'un instant sur l'autre les versions précédentes d'eux-mêmes.
En distillant avec humour et finesse la sociologie paradoxale qui irrigue le grand oeuvre proustien, Jacques Dubois nous en offre une puissante redécouverte.
Dans Le Roman de Gilberte Swann paru au Seuil, l’universitaire belge Jacques Dubois propose une lecture d’A la Recherche du temps perdu qui s’éloigne de l’habituelle dimension psychologique et dépeint Proust en « sociologue paradoxal »… en se penchant notamment sur les nombreuses scènes de réception.
Jacques Dubois - Le Roman de Gilberte Swann
Je vous propose de commencer avec l’ouvrage de Jacques Dubois intitulé donc Le Roman de Gilberte Swann : Proust sociologue paradoxale, Seuil. Jacques Dubois est professeur émérite de l’université de Liège où il a enseigné les auteurs français des XIXe et XXe siècles ainsi que la sociologie de la littérature. C’est aussi un grand spécialiste de l’œuvre de Simenon dont il a dirigé l’édition dans la Pléiade. Après s’être intéressé à la tradition réaliste du roman français, il a développé une approche bien particulière de l’œuvre de Marcel Proust : la critique-fiction. Il l’expérimente une première fois en se penchant sur le personnage d’Albertine, le premier amour de Marcel… petite bourgeoise sexuellement trouble qui invente selon lui l'« individualité sociale » et une « sociologie-fiction ».
Pour Albertine sorti au Seuil, déjà, en 1997, il avait connu un certain succès. Jacques Dubois reprend le fil de sa recherche en s’intéressant cette fois-ci à Gilberte Swann, la fille de Charles et d’Odette. Pourquoi elle ? Parce qu’elle dessine à la fois une trajectoire ascendante – avant la déchéance finale – qui traverse de bout en bout A La Recherche du Temps Perdu… et parce qu’elle incarne parfaitement l’ambivalence des personnages proustiens. Dubois fait appelle à Tarde et à Durkheim pour dresser le portrait d’un auteur non pas en sociologue, mais en romancier qui a le sens du social. Le livre est une relecture, car tout le monde sait bien qu’on RE-lit toujours Proust… une nouvelle pierre à l’édifice déjà très impressionnant de la proustologie. Pour montrer que la rencontre de ces deux mondes… la société aristocratique en déliquescence et la bourgeoisie étroitement cloisonnée, est perçue à travers des caractères, des personnages… et chez Proust, nous dit Dubois, c’est « la singularité extrême de l’être ou du "cas" qui est révélatrice des normes collectives ».
J’ai l’impression d’une critique littéraire rénovée qui prétend innover et qui confirme ce que nous savions tous. A savoir que l’œuvre de Proust c’est aussi une œuvre sociologique et pas seulement un baromètre psychologique des enthousiasmes et des désillusions, voire des déclassements. (Alexis Lacroix)
Personnellement je place la littérature au-dessus de la sociologie […] il me semble qu’une certaine littérature est sociologique et de façon extraordinairement fine et extrêmement nuancée et qu’elle n’a pas besoin du renfort de Durkheim pour qu’on comprenne ce qu’elle est. (Vincent Tremolet)
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