samedi 25 décembre 2021

Vocabulaire - L'écriture inclusive

 


Qu’est-ce que l’écriture inclusive et pourquoi pose-t-elle problème ?

Défenseur·e·s et détracteur·e·s de l'écriture inclusive s'écharpent depuis des semaine sur cet épineux sujet. De quoi est-il vraiment question ? Décryptage.

Combattre les stéréotypes sexistes en remaniant l'orthographe. Tel est l'objectif de l'écriture inclusive , défendue depuis des années par les courants féministes. Mercredi, le Premier ministre a tranché alors que le débat continue de faire rage en France : l'écriture inclusive sera bannie des textes officiels. Mais au fait, de quoi s'agit-il ?


C'est quoi, l'écriture inclusive ?

En mars dernier, l'éditeur Hatier a décidé de publier un manuel à destination des CE2 en employant cette nouvelle méthode qui consiste à féminiser les mots en plaçant, entre des points-milieu, la terminaison du féminin.


Dans cet ouvrage scolaire, les différents métiers que peuvent exercer les hommes et les femmes sont ainsi orthographiés : "agriculteur·rice·s", artisan·e·s" ou encore "commerçant·e·s" . L'idée est de faire en sorte que le masculin ne l'emporte plus sur le féminin au pluriel, mais que les deux sexes soient mis sur le même pied d'égalité. Afin de mettre un terme à la hiérarchisation des sexes.


Hatier défend d'ailleurs sa démarche : "Les manuels scolaires sont le reflet de la société et de ses évolutions. Ils cristallisent donc inévitablement les grands débats de société. Les auteurs et les éditeurs des éditions Hatier sont à l’écoute de ces débats lorsqu’ils rédigent un manuel, en toute responsabilité et en exerçant leur liberté éditoriale, dans le strict respect des programmes de l’Education Nationale et des valeurs de la République". De son côté, le ministère de l'Education ne se mouille pas, et s'en remet à la responsabilité des éditeurs.


Trois grands principes

L'écriture inclusive repose sur trois principes :


- Accorder les grades/fonctions/métiers/titres en fonction du genre. On écrira ainsi "une autrice", "une pompière", "une maire".


- Au pluriel, le masculin ne l'emporte plus sur le féminin mais inclut les deux sexes grâce à l'utilisation du point médian. On écrira ainsi "les électeur·rice·s", "les citoyen·ne·s" ou bien "les maçonnes et les maçons".


- Eviter d'employer les mots "homme" et "femme" et préférez les termes plus universels comme "les droits humains" (au lieu des "droits de l'homme").


Depuis 2015, le Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes défend l'écriture inclusive et a même publié un guide "pour une communication publique sans stéréotype de sexe ". Il préconise par exemple d'accorder les noms de métiers, titres, grades avec le sexe des personnes qui les occupent. "Parce que les noms de métiers, titres, grades et fonctions existent au féminin, et ce depuis le Moyen-âge. Il n’y a donc pas de raison d’invisibiliser les femmes". On écrira alors "madame la maire" par exemple.


Si certains trouvent l'initiative anecdotique, voire ridicule , Eliane Viennot, professeure de littérature à l'université et auteure de "Non le masculin ne l'emporte pas sur le féminin", défend son importance, "car le langage structure notre pensée. Expliquer aux enfants que 'le masculin l’emporte sur le féminin' ne peut guère contribuer à forger des consciences égalitaristes", explique-t-elle. "S’adresser au masculin à un groupe où il n’y a qu’un homme non plus. Quant aux propos prétendument généralistes qui sont entièrement rédigés au masculin, il est facile de constater qu’ils s’intéressent avant tout aux hommes. Je me souviens d’un article récent sur 'les jeunes agriculteurs', qui mentionnait bien une fille ou deux, mais qui se terminait sur cette remarque : 'Leur véritable angoisse aujourd’hui est : trouveront-ils une épouse ?'. Si cet article avait été titré 'Les jeunes agriculteurs et agricultrices', son auteur se serait davantage intéressé aux jeunes femmes. On aurait peut-être appris ce qu’elles représentent dans cette profession, les discriminations dont elles souffrent (quasiment pas de congé maternité…), comment elles voient leur futur métier..."


Pourquoi cette forme d'écriture fait-elle polémique ?

L'historienne rappelle de surcroît que la langue française a longtemps été plus égalitaire qu'elle ne l'est aujourd'hui. "Les hommes ont dominé la parole publique pendant des siècles. Mais il y a eu aussi, en France, une masculinisation délibérée du langage, à partir du XVIIe siècle, sous l’influence de 'puristes'. Ces hommes qui se piquaient de définir le bon usage en ont profité pour renforcer l’ordre masculin. Ils ont condamné des noms féminins parfaitement justes et utilisés (autrice, peintresse, médecine…), et ont voulu éradiquer l’accord de proximité (le fait de mettre le mot à accorder au genre et au nombre du mot le plus proche, lorsqu’il y en a plusieurs) au profit de l’accord selon 'le genre le plus noble'."


Mais cette nouvelle approche de la sacro-sainte orthographe ne manque pas de heurter les nombreux défenseurs de la langue française"traditionnelle". Le philosophe Raphaël Enthoven y voit par exemple une "agression de la langue par l'égalitarisme".

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