samedi 27 novembre 2021

Livre - La cavalière - Nathalie Quintane


 En mars 1976, on a pu lire dans la presse : « Des partouzes chez la jolie prof de philo du lycée mixte ! Tous les honnêtes gens de Digne crient au scandale et ils ont raison. » La prof en question s'appelait Nelly Cavallero, trente-quatre ans, professeure agrégée de philosophie au lycée de Digne. Suspendue de ses fonctions par décision rectorale du 3 mars 1976, inculpée d'incitation de mineurs à la débauche par un juge d'instruction. Pour Nathalie Quintane, la Cavalière, c'est elle, Nelly Cavallero. En ce milieu des années 70, loin déjà de 68, on est bien décidé à l'éteindre, et pour cela à l'atteindre.

Inculpation. Procès. Nelly, c'est bien plus qu'une enseignante suspendue ou radiée des cadres de l'Education nationale, en ces années où la chose n'était pas si rare. Toutes celles et ceux qui l'ont connue et que Nathalie Quintane a rencontrés pour écrire ce livre, quarante-cinq ans plus tard, s'accordent : « Elle mettait le feu - non tant pour ce dont on la soupçonna (à tort) à l'époque mais parce qu'elle fut une acharnée de la vérité ». Les témoins parlent ; ils se souviennent d'elle, mais surtout de cette époque.

Ce livre n'est pas une simple biographie. « La vie de Nelly Cavallero ouvre bien d'autres portes, écrit Quintane, et m'a considérablement aidée à réécrire pour aujourd'hui des questions essentielles : si nous devons changer de vie, pour quelle(s) vie(s) devons-nous changer ? En quoi celles et ceux qui vécurent d'autres vies que les nôtres il y a une cinquantaine d'années ont-ils encore quelque chose à nous dire que nous puissions entendre ? » La Cavalière est un livre aimanté par le présent et nourri de mille vies vivantes, douloureuses parfois, mais traversées par ces années singulières de contestation, de colère, de moments inouïs et de découragements, et que Nathalie Quintane confronte à notre propre situation actuelle. Des vies à l'assaut d'un ciel bien réel - celui qui éclaire d'une lumière crue une petite ville de province et la France - en ce milieu des années 70, bien décidées à empêcher tout réel changement, quoi qu'il en coûte. « Mais est-ce que je cherche à comprendre ? se demande Nathalie Quintane. Des choses montent - des vues, des bribes. Je les recopie, je les consigne. J'aimerais bien savoir si vous voyez ce que je vois, si vous entendez ce que j'entends, si vous pensez que j'exagère ou au contraire que je suis en dessous de la réalité. »

Rencontre avec l’autrice Nathalie Quintane pour la parution de son livre "La Cavalière" aux éditions POL.



A partir de quand le passé commence-t-il à redevenir notre présent ? C’est l’une des questions qui traverse le dernier livre de Nathalie Quintane, la « mise à jour pour aujourd’hui » d’une histoire qui s’est déroulé dans les années 1970. Nelly Cavallero, le personnage qui lui donne son titre, « La cavalière », était dans ces années-là, professeure de philosophie au lycée. Au mi-temps de la décennie, dans une petite ville de province, elle se vit inculpée pour « incitation de mineurs à la débauche », et se bagarra pour prouver qu’elle n’était coupable de rien. Une fois ceci posé, il ne faudrait pas trop en dire sur l’histoire, car précisément, ce n’est pas le fait divers que l’autrice retrace dans ce livre, ni la biographie de cette femme, mais la tentative de nous faire éprouver quelque chose de l’énergie qui traversa ces années-là, et la façon dont, peut-être, on peut s’en saisir, aujourd’hui.


Ce soir, Mathilde Wagman s'entretient avec Nathalie Quintane, l'autrice de La cavalière , paru tout récemment chez P.O.L.


Extraits de l'entretien

"Ce qu’essaie de saisir ce livre, c’est cette parenthèse assez courte après mai 68, au début des années 70, durant laquelle des jeunes gens, d’un coup, ne vont plus avoir peur ni de leur patron, ni de leur famille : cette peur de l’autorité va tomber. Pour retranscrire cette énergie, je me suis servie de films des années 70 et de leurs ambiances sonores qui baignent ces années-là. Il y a dans ces films une ambiance commune, à la fois de fin du monde, et d’aube. C’est un monde dont on sent qu’il s’achève, et dont les personnages vont vers un monde nouveau où tout est ouvert. En fait, ce qui m’a intéressé, c’est de mieux voir notre époque, à travers les années post 68, et des personnes qui les ont vécues, sans nostalgie excessive, en les acceptant, sans les avoir reniées." Nathalie Quintane 


"On a toujours l’impression qu’un monde se termine avec soi." Nathalie Quintane


"Je n’ai pas mené d’enquête, j’ai travaillé uniquement avec les gens que je connais depuis longtemps. Ce que je recueille et ce que je transcris dans le livre se fait par bribes. Je voulais qu’il y ait autant de caches, d’oublis, de bribes et de morceaux épars, que de prétention à accéder à une vérité. Mon livre n’a pas la prétention d’accéder à la vérité de qui était Nelly Cavallero, ni même de ce qu’était l’époque, j’ai juste essayé d’en donner l’idée, pour qu’on s’en serve aujourd’hui, en ayant un point de comparaison." Nathalie Quintane 


Nathalie Quintane La Cavalière


Nathalie Quintane La Cavalière éditions P.O.L : où Nathalie Quintane tente de dire de quoi et comment est composé son nouveau livre "La Cavalière" et où il est notamment question de Nelly Cavallero, enseignante à Digne-les-Bains et de sa suspension de l’Éducation Nationale, des années 1970 et de mai 68, du présent en écho du passé, des rencontres et des souvenirs, de la difficulté d'écrire le livre et de la vérité, à l'occasion de parution de "La Cavalière" aux éditions P.O.L à Paris le 14 octobre 2021



"La Cavalière, c’est elle, Nelly : une acharnée de la vérité qui met le feu partout où elle passe. Mais

en ce milieu des années 1970, loin déjà de 1968, on est bien décidé à l’éteindre et pour cela à

l’atteindre. Inculpation. Procès. Plus de quarante ans après des témoins parlent ; ils se souviennent

d’elle – et de l’époque. « On comprend mal le présent en partant du passé même si on ne peut comprendre le passé qu’à partir du présent. Mais est-ce que je cherche à comprendre ? Des choses montent – des vues, des bribes. Je les recopie, je les consigne. J’aimerais bien savoir si vous voyez ce que je vois, si vous entendez ce que j’entends, si vous pensez que j’exagère ou au contraire que je suis en dessous de la réalité. »

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