Catherine Corsini : « Le sentiment de révolte me constitue »
Je ne serais pas arrivée là si… Chaque semaine, « Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de sa vie. Marquée très tôt par la mort de son père, à la guerre d’Algérie, la cinéaste va trouver un exutoire grâce au théâtre et au cinéma.
Après La Belle Saison (2015), et Un amour impossible (2018), adapté du roman de Christine Angot, Catherine Corsini signe La Fracture (2021), actuellement en salle. A 65 ans, la réalisatrice met en scène un couple de femmes au bord de la séparation, sur fond de crise des « gilets jaunes », un autoportrait.
Je ne serais pas arrivée là si…
Si je n’avais pas trouvé dans une malle, à l’âge de 7 ans, une liste de films rédigée avec une écriture parfaite, des exemplaires des Cahiers du cinéma et de Positif, des disques de Brel et de Ferré, des programmes de théâtre de l’époque de Jean Vilar. Cette malle, donnée par ma mère, appartenait à mon père, mort à la guerre d’Algérie, où il avait été envoyé comme appelé, à 26 ans. Elle est restée longtemps dans ma chambre. Je suis tombée comme en adoration de ce qu’elle contenait, habitée par le devoir de faire revivre la mémoire de mon père. Il voulait devenir acteur ou metteur en scène. Cet héritage m’a constituée dans cet amour un peu dingue, radical, du théâtre d’abord, du cinéma ensuite.
Où viviez-vous ?
Mes parents vivaient à Paris, dans un petit deux-pièces, ils n’avaient pas d’argent et m’avaient confiée à mes grands-parents, à Dreux (Eure-et-Loir). Ils venaient me voir le week-end. Ma mère était infirmière. Mon père, qui avait quitté son village corse à l’âge de 15 ans, enchaînait les petits boulots. Antimilitariste, il espérait échapper à son service militaire en Algérie. Le maire du 10e arrondissement de Paris, un Corse, qu’il avait sollicité, lui avait répondu : « Je n’ai que des filles, mais, si j’avais un fils, je serais fier qu’il parte. »
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