Ces pages seront-elles jamais publiées ? Je ne sais. Il est probable, en tout cas, que, de longtemps, elles ne pourront être connues, sinon sous le manteau, en dehors de mon entourage immédiat. Je me suis cependant décidé à les écrire. L'effort sera rude : combien il me semblerait plus commode de céder aux conseils de la fatigue et du découragement ! Mais un témoignage ne vaut que fixé dans sa première fraîcheur et je ne puis me persuader que celui-ci doive être tout à fait inutile. Un jour viendra, tôt ou tard, j'en ai la ferme espérance, où la France verra de nouveau s'épanouir, sur son vieux sol béni déjà de tant de moissons, la liberté de pensée et de jugement. Alors les dossiers cachés s'ouvriront ; les brumes, qu'autour du plus atroce effondrement de notre histoire commencent, dès maintenant, à accumuler tantôt l'ignorance et tantôt la mauvaise foi, se lèveront peu à peu ; et, peut-être les chercheurs occupés à les percer trouveront-ils quelque profit à feuilleter, s'ils le savent découvrir, ce procès-verbal de l'an 1940. Marc Bloch.
C'est l'historien Marc Bloch que Xavier Mauduit, producteur du "Cours de l'histoire" sur France Culture, verrait bien rentrer au Panthéon mais il n'est que blanc et ne sait pas chanter ni danser !!!!!
L'historien Marc Bloch a connu les deux guerres mondiales : comme combattant, puis résistant.
L'historien Marc Bloch a connu les deux guerres mondiales : comme combattant, puis résistant.• Crédits : Archive - Getty
Open Panthéon : qui panthéoniser ? Je n’avais pas mesuré la complexité de la question avant de me la poser, car c’est une existence entière qui est scrutée et pas seulement un engagement. Qui placer au Panthéon ? Pourquoi pas l’historien Marc Bloch. Il s’agit d’un destin, celui d’un double ancien combattant : il a servi pendant la Première Guerre mondiale (Croix de guerre et Légion d’honneur) puis pendant la Seconde. Pourtant, être ancien combattant ne suffit pas pour entrer au Panthéon.
Avec Marc Bloch, il y a une adhésion évidente à la France, à la République et ses valeurs. Par son histoire familiale déjà : il est né en 1886 à Lyon, fils de Français alsaciens qui ont fait le choix de la France, à l’issue de la guerre contre l’Allemagne en 1870-1871. Normalien, agrégé, docteur en histoire – auteur d’un ouvrage de référence, Les Rois thaumaturges -, ce formidable médiéviste renouvelle la science historique quand il fonde l’École des Annales, avec Lucien Febvre. Pourtant, être un excellent historien ne suffit pas pour entrer au Panthéon.
Marc Bloch : "Je ne saurais déraciner mon cœur"
Mobilisé à sa demande en 1940, Marc Bloch assiste à la "drôle de guerre" et à cette Étrange défaite, titre d’un ouvrage qu’il écrit dans la France occupée. Il est juif, au moment où de nombreux Français et de nombreuses Françaises le découvre quand l’étoile jaune leur est imposée. Dans L’Étrange défaite, Marc Bloch a cette phrase sublime : "Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d'un antisémite." En vertu du statut des Juifs, adopté par le maréchal Pétain dès octobre 1940, il est exclu de la fonction publique. Il a déjà compris que le régime de Pétain ne cherche pas à sauver des Juifs, ni étrangers, ni français. Il rédige alors Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien. Chaque jour, dans Le Cours de l’histoire sur France Culture, il est possible d’écouter "Le Pourquoi du comment", la chronique de l’historien Gérard Noiriel. La première chronique de la série - ce n’est pas un hasard - est consacrée à Marc Bloch, avec le titre : "Pourquoi faut-il défendre le "métier" d'historien ?" La réflexion sur l’histoire et surtout sur son utilisation est au cœur du propos de Marc Bloch, face à ses contemporains qui utilisent l’histoire pour soutenir leurs idées, voire leur idéologie. Lui, en historien, étudie le passé pour comprendre le présent. Pourtant, être un pertinent penseur suffit-il pour entrer au Panthéon ?
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