Kaputt est un livre cruel et gai. Sa gaîté cruelle est la plus extraordinaire expérience que j'aie tirée du spectacle de l'Europe au cours de ces années de guerre. Parmi les protagonistes de ce livre, la guerre n'en joue pas moins le rôle d''un personnage secondaire. Si les prétextes inévitables, n'appartenaient pas à l'ordre de la fatalité, on pourrait dire qu'elle n'a de valeur que de prétexte. Dans Kaputt la guerre vaut don comme fatalité. Elle n'y entre pas autrement. Je puis dire qu'elle n'y entre pas comme protagoniste, mais comme spectatrice, dans le sens où un paysage est spectateur. La guerre c'est le paysage objectif de ce livre.
Curzio Malaparte (1898-1957) : Une vie, une oeuvre [2012]
Le 09 juin 2012, l'émission “Une vie, une oeuvre”, dirigée par Matthieu Garrigou-Lagrange et diffusée tous les samedis sur les ondes de France Culture, évoquait la vie et l'oeuvre de l'écrivain italien, Curzio Malaparte (1898-1957). Photographie : Malaparte en mars 1934, pendant son confinement aux îles Lipari. Par François Caunac - Réalisation : Anne Franchini. De cette vie ouvertement romanesque, faite de bruit et de fureur, subsiste comme une odeur étrange, de soufre, de fer incendié et de putréfaction. Infatigable travailleur et prosateur épique par excellence, Malaparte aura été l’écrivain de la violence dans l’histoire. Sa grande affaire, la guerre, livrée sous la forme d’un triptyque fameux : « Technique du coup d’état », « Kaputt », « la Peau », où il décortique à la pointe sèche, la barbarie sous toutes les coutures.
Grand séducteur et grand solitaire, Malaparte fit de sa vie, une œuvre à part entière. Il conçut une maison à la mesure de sa démesure, minimaliste et sublime, la « Casa come me », sur les hauteurs de Capri ; séjour des dieux où Jean-Luc Godard décida un beau jour de donner rendez-vous à Brigitte Bardot !
Si Malaparte reste aujourd’hui un incompris, voire un infréquentable, il le doit sans doute à quelques sauts périlleux incontrôlés, entre fascisme et communisme. Engagé très dégagé, Malaparte laisse une œuvre qui ne cesse de proliférer. Hydre inclassable remuant les inédits, les cahiers retrouvés et les nouvelles traductions. Un auteur à suivre !…
En 1943, Curzio Malaparte, grand correspondant de guerre et officier de liaison auprès des Alliés, se trouve à Naples avec les troupes américaines venues libérer le pays. Entouré de ces hommes fraîchement débarqués en Europe, que les années de combat et de désillusion n'ont pas encore abîmés, l'auteur entreprend une tragique odyssée à travers une Italie en ruine, livrée à la misère et au chaos. Partout on se livre aux plus viles exactions. Comme un écho au tumulte des hommes, le Vésuve entre en éruption, les animaux meurent au supplice, la terre se déchire. De page en page, la complexité de ces destins happés par la brutalité de l'Histoire se déploie sous l'oeil de l'auteur, intransigeant jusqu'à l'écoeurement avec la cruauté des faits. Et c'est là la force de son récit : outre la beauté de son style, c'est sa capacité à s'indigner et à indigner le monde qui demeure remarquable. Curzio Malaparte poursuit avec La Peau sa magistrale entreprise de témoignage sur la Seconde Guerre mondiale.
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