La guerre d’Algérie n’est pas finie. Elle se poursuit de façon discrète sur le territoire français. Mais le plus préoccupant, c’est que ce conflit larvé se déroule avec la complicité ou le silence embarrassé de nos élites hexagonales.
Les dirigeants français font tout pour éviter de poser les questions qui fâchent, qu’il s’agisse de notre politique arabe en ruines, ou des contours d’une nouvelle société musulmane transférée en quelques décennies sur le sol français avec ses millions de croyants (et d’athées).
Les adeptes de la déconstruction ont voulu présenter la présenter comme un fantasme, ignorant ou refusant de penser que l’Islam, au sens de civilisation, est un tout culturel, social, politique et religieux qui va façonner une partie du destin français dans les prochaines années. Or, la donne a changé en 2001 avec l’irruption du djihadisme terroriste en Occident. Il a bien fallu cette fois ouvrir les yeux, ce qui n’empêche pas le déni français de perdurer.
Ce sont les secrets qui entourent notre relation avec le monde arabe que dévoile Pierre Vermeren, l’un des meilleurs historiens actuels de l’Afrique du Nord.
Jean-Michel Blanquer a lancé le 13 octobre un think tank visant à repousser la culture woke. Cette semaine c’est une série de Tf1 qui est dénoncée pour avoir fait “l’apologie du wokisme” dans l’un de ses récents épisodes. Quelles batailles derrière ces mots ?
"Ce chanteur se dit woke, mais ce n’est pas vraiment un SJW ; c’est un cis-hétéro non déconstruit qui a fait son beurre sur l’appropriation culturelle. Si vous n’avez pas compris cette phrase, ce lexique est pour vous."
C’est ainsi que l’Obs inaugure son dictionnaire bilingue woke-français où l’on apprend que le mot "wokisme" est devenu péjoratif, qu’il tire son origine de l’argot des Noirs américains woken, qu’il est une injonction à rester en "éveil" contre toutes les formes de discriminations et d’injustices sexistes, racistes, ou homophobes, "quitte à passer" précise Pascal Riché qui signe le dico, "pour le ou la pénible de service". S’en suit un glossaire qui regroupe des mots comme "féminicides", "intersectionnalité" ou "racisme systémique", des concepts qui traversent la sphère médiatique depuis plusieurs mois et suscitent toujours beaucoup de remous, jusqu’à opposer une partie du monde universitaire sur l’existence présumée ou non de l’islamo-gauchisme, c’était en janvier dernier.
Pour l’historien Pierre Vermeren, qui publie un billet sur le site du très polémique Observatoire du décolonialisme, le wokisme s’apparente à "_une culture de l’annulation et un refus de l’histoire"_.
Le professeur à l’Université Paris 1 qui décrit la discipline historique comme "une polyphonie pondérée" craint selon lui une "idéologie qui entende réécrire le passé des sociétés et comme feu le stalinisme, effacer les témoins gênants. Le wokisme, poursuit-il, anéantit le récit historique, casse les statues, brûle des livres [...] Il généralise l’exception et refuse dans le passé ce qui gêne son présent. L’éveillé est un purificateur."
Critiques également le psychanalyste Ruben Rabinovitch et le communicant Renaud Large sur le site du think tank "La fondation Jean-Jaurès", qui interprètent le wokisme comme le fruit d’une culpabilité triomphante : "Érotisée par ses mortifications, la société occidentale empoigne sa mauvaise conscience comme un nouveau sceptre, analysent-ils, "Culpabiliser, pour elle, c’est faire une bonne action". Ainsi selon les auteurs de cette note, "la logique de la pensée woke cherche à saper la rencontre avec l’altérité" à travers une pensée identitaire. Selon eux dans le "wokisme", "l’identité comme l’Histoire ne constituent pas une substance, une élaboration et un devenir mais, au choix, une copie de leur vision du monde ou un affront narcissique intolérable". Une dynamique que les deux auteurs comparent au principe de "mutabilité du passé" décrit dans 1984 de George Orwell...
Dans Libération la politologue Réjane Sénac répond directement à cette tribune.
La Directrice de recherche au CNRS et au CEVIPOF y dénonce la sémantique employée autour du wokisme devenue un moyen, selon elle, "de discréditer les analyses et les dénonciations des injustices à partir du moment où elles ne concernent pas les inégalités économiques et sociales". Pour la politologue, "La construction du wokisme comme un ennemi de la République [s’insère] dans une synergie transpartisane fondée sur la défense d’une conception conservatrice de la République, où le prétendu wokisme je cite, est brandi comme l’ennemi politique principal afin de disqualifier, au sens de sortir du jeu, l’analyse et la dénonciation du sexisme, de l’homophobie et du racisme en les rendant gravement subversives, car taxées d’antirépublicanisme".
"Républicain", "antirépublicain", le chercheur Fabien Escalona se penche sur l’omniprésence de la référence républicaine dans le débat politique français...
C’est dans la Revue du Crieur publié ce mois-ci que Fabien Escalona retrace, à partir des éléments du débat contemporain, notamment des dernières élections régionales, ce qu’il décrit comme "une lutte de sens" autour du terme "république" et de ses déclinaisons.
"La République ne désigne plus une forme institutionnelle, à savoir une simple non-monarchie, elle est devenue un totem autour duquel nous sommes appelés à communier sous contrôle et sans possibilité de le discuter ni de le remettre en cause". Et le politologue décrypte l’histoire ce qu’il décrit comme un "rapt conservateur", du réinvestissement du mot "République" par une partie de la gauche sous les mandats de François Mitterrand à son identification autour d’une représentation stricte de la laïcité et de l’ordre. "Il est remarquable souligne-t-il, que la rhétorique de combat du républicanisme, confrontée jadis à des puissances et des élites conservatrices, soit désormais dirigée contre des groupes sociaux ayant le mauvais gout de contester les injustices qu’ils subissent".
Woke ou République, les armes discursives n’ont pas dit leurs derniers mots.
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