samedi 6 mars 2021

Livre - Poésie - Ghérasim Luca

 


 Ghérasim Luca  1913-1994

Issu d'un milieu juif libéral il est très jeune en contact avec les cultures françaises et allemandes.
A la fin des années trente, il voyage à Paris pour étudier de plus près le surréalisme. Il est surpris par la guerre mais parvient à rentrer en Roumanie.
Avec quelques amis, il y crée un groupe surréaliste, juste avant l'avènement du socialisme qui produit des articles, des expositions.
En 1952, il quitte son pays pour venir s'installer en France. Ses poèmes, dessins ou collages ("cubomanies") sont publiés par la revue Phases. Il élabore des livres-objets. Il participe à de nombreux festivals de poésie dans toute l'Europe, dans lesquels les lectures publiques de ses textes étaient très renommées. 

 

 

 

Ghérasim LUCA – Une Vie, une Œuvre : 1913-1994 (France Culture, 2005)

 

En 1994, un homme se jette dans la Seine. Après son ami Paul Celan. C'est Ghérasim Luca, le surréaliste né en Roumanie qui avait fait du français une langue étrange : la sienne. Une langue orale qu'il lisait lui-même, renversant d'un même verbe l'esprit et le corps. La rage qui le portait conjuguait une inquiétude métaphysique et un jeu, des mots qui glissent, un humour jamais très éloigné des larmes. Pour s'affranchir poétiquement de tous les automatismes sclérosés du sens, Ghérasim Luca a dû jouer avec les structures syntaxiques, faire bégayer la langue, inviter sa voix en incarnation rauque du corps tout entier. Sa poésie, au départ d'inspiration alchimique et kabbalistique, offre par jeux de mots et balbutiements maîtrisés, l'image d'une humanité indomptable, " passant du dialogue au dé-monologue " et refusant de rester en équilibre " sur volupté et terreur " (Démonologue). Dès l'après-guerre, il rédigea un "Manifeste non-oedipien" qui réclamait la disparition sociale de tous les comportements familiaux, ou de toutes leurs perversions. De "Dialectique de la dialectique au Héros Limite", du "Quart d'heure de culture métaphysique" dans le "Chant de la Carpe" aux "Paralipomènes" et au "Vampire passif", à "La Mort morte", toujours sur le fil, il écrivait : " Comme le funambule à son ombrelle je m'accroche à mon propre déséquilibre."

 Poème : "Prendre corps", de Ghérasim Luca, dans le recueil Paralipomènes (éditions José Corti)

Gherasim Luca Comment s'en sortir sans sortir

Le Chant de la carpe  1986

Allongée sur le vide

bien à plat sur la mort

idées tendue

la mort étendue au-dessus de la tête

la vie tenue de deux mains

Élever ensemble les idées

sans atteindre la verticale

et amener en même temps la vie

devant le vide bien tendu

Marquer un certain temps d'arrêt

et ramener idées et mort à leur position de départ

Ne pas détacher le vide du sol

garder idées et mort

tendues

 

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