Ghérasim Luca 1913-1994
Issu d'un milieu juif libéral il est très jeune en contact avec les cultures françaises et allemandes.
A la fin des années trente, il voyage à Paris pour étudier de plus près
le surréalisme. Il est surpris par la guerre mais parvient à rentrer en
Roumanie.
Avec quelques amis, il y crée un groupe surréaliste, juste avant
l'avènement du socialisme qui produit des articles, des expositions.
En 1952, il quitte son pays pour venir s'installer en France. Ses
poèmes, dessins ou collages ("cubomanies") sont publiés par la revue
Phases. Il élabore des livres-objets. Il participe à de nombreux
festivals de poésie dans toute l'Europe, dans lesquels les lectures
publiques de ses textes étaient très renommées.
Ghérasim LUCA – Une Vie, une Œuvre : 1913-1994 (France Culture, 2005)
En 1994, un homme se jette dans la Seine. Après son ami Paul Celan. C'est Ghérasim Luca, le surréaliste né en Roumanie qui avait fait du français une langue étrange : la sienne. Une langue orale qu'il lisait lui-même, renversant d'un même verbe l'esprit et le corps. La rage qui le portait conjuguait une inquiétude métaphysique et un jeu, des mots qui glissent, un humour jamais très éloigné des larmes. Pour s'affranchir poétiquement de tous les automatismes sclérosés du sens, Ghérasim Luca a dû jouer avec les structures syntaxiques, faire bégayer la langue, inviter sa voix en incarnation rauque du corps tout entier. Sa poésie, au départ d'inspiration alchimique et kabbalistique, offre par jeux de mots et balbutiements maîtrisés, l'image d'une humanité indomptable, " passant du dialogue au dé-monologue " et refusant de rester en équilibre " sur volupté et terreur " (Démonologue). Dès l'après-guerre, il rédigea un "Manifeste non-oedipien" qui réclamait la disparition sociale de tous les comportements familiaux, ou de toutes leurs perversions. De "Dialectique de la dialectique au Héros Limite", du "Quart d'heure de culture métaphysique" dans le "Chant de la Carpe" aux "Paralipomènes" et au "Vampire passif", à "La Mort morte", toujours sur le fil, il écrivait : " Comme le funambule à son ombrelle je m'accroche à mon propre déséquilibre."
Poème : "Prendre corps", de Ghérasim Luca, dans le recueil Paralipomènes (éditions José Corti)
Gherasim Luca Comment s'en sortir sans sortir
Le Chant de la carpe 1986
Allongée sur le vide
bien à plat sur la mort
idées tendue
la mort étendue au-dessus de la tête
la vie tenue de deux mains
Élever ensemble les idées
sans atteindre la verticale
et amener en même temps la vie
devant le vide bien tendu
Marquer un certain temps d'arrêt
et ramener idées et mort à leur position de départ
Ne pas détacher le vide du sol
garder idées et mort
tendues
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