Ville frontière espagnole au sud de Perpignan, La Jonquera est devenue un « supermarché » de la prostitution où affluent les Français. Excédé, le maire veut changer l'image de sa commune.
Elles sont là, en bord de route. Celles que l'on voit, gamines fumant à l'ombre d'un parasol, en maillot de bain misérable à l'angle d'un chemin de terre et d'une roselière. Celles qui négocient entre deux camions sur les immenses parkings glauques des stations service et supermarchés de La Jonquera. Et celles que l'on devine dans la dizaine de maisons closes s'étalant au sud vers Figueras. Les plus nombreuses. Car autorisés en Espagne, les « puticlubs » abondent ici, à la frontière. Maisons closes très ouvertes qui « donnent une mauvaise image de La Jonquera puisqu'on parle du « bordel de l'Europe »» regrette un patron de bar.
50 € la passe, 10 € le droit d'entrée, en moyenne… certes, un « marché » de 8 000 camions transitent ici chaque jour, mais La Jonquera est bien devenue aussi la destination des « virées entre potes » pour le mâle français, majoritaire dans les boxons. Ambiance boîte de nuit, dizaines de filles de l'Est le disputant aux « latinas » sud-américaines… On peut fumer, boire et même refaire le plein de toxiques et d'essence pour pas cher avant de rentrer. Alors, le sexe étant désormais « discount » aussi… Elle est pas belle la vie ? Pour le client sans doute. Mais « je ne fais pas ça pour le plaisir » témoigne Lola, prostituée bulgare, mère d'un fils de cinq ans avec deux crédits sur les bras. De fait, le sordide des bas-côtés entourant cette petite ville de 3 000 habitants suffit à saisir la condition des filles conduites à l'étal. « Ces femmes sont contrôlées par des mafias et des maquereaux » assure Jordi Cabezas, le maire de La Jonquera qui, dénonçant également le trafic de drogue et la violence engendrés par la prostitution, veut changer l'image de sa commune.
La guerre du maire
Excédé par le statut « de capitale des maisons closes » qui frappe sa ville, il a ainsi bataillé ferme durant quatre ans pour faire interdire la construction d'un nouveau centre pouvant accueillir 600 clients au cœur du bourg, à deux pas du supermarché fréquenté par ses concitoyens. En vain. La justice l'a autorisée.
Ancienne auberge où s'organisaient autrefois les mariages transformée en bordel, hausse du racolage de rue… le village a perdu son âme, se plaignent les habitants. D'où la guerre que mène également le maire contre la prostitution de voie publique. 300 à 3 000 € d'amende selon la sensibilité du lieu du délit, la proximité d'une école par exemple : « Les clients, tous français, payent tout de suite plutôt que de recevoir l'amende à leur domicile. Mais pas les filles. » constate-t-il. Singulier renversement ? Sous Franco, c'était les Espagnols qui allaient s'encanailler devant un film porno à Perpignan.
Le Dallas, « hôtel pour femmes » explique son gérant, Nico…
À l'écart de La Jonquera, le Dallas est l'une des principales maisons closes du secteur. Mais Nico, son gérant, récuse cette appellation, qualifiant pour sa part son établissement « d'hôtel pour femmes ». Roumaines, Bulgares, Russes et Latinos-américaines, elles y louent leur chambre 80€ par nuit. « Le proxénétisme étant interdit en Espagne, je ne touche aucune commission, elles sont indépendantes » assure Nico, qui se rattrape sur le droit d'entrée et les consommations. Selon lui, 500 clients fréquentent le Dallas chaque soir, où autour du bar, une centaine de jeunes femmes en string à strass et talons hauts accostent le consommateur directement en français d'un « bonjour, ça va ? », 90 % des clients venant de toute la France. Pour 5€, le client doit alors acheter le kit obligatoire avant de monter : drap à usage unique, préservatif, savon et shampooing. En moyenne, il faut au moins deux clients à la prostituée pour amortir sa soirée, avant de commencer à gagner de l'argent.
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