Laure, prof d’Université, est mariée et mère de deux filles. De Véra, l’aînée, qui organise des mouvements d’insurrection au lycée, Laure envie l’incandescence et la rage. Elle qui, à 40 ans, regrette parfois d’être la somme de la patience et des compromis.
Clément, célibataire, 50 ans, court le matin et parle à son chien le soir. Entre les deux il s’ennuie dans la finance, au sommet d’une tour vitrée, lassé de la vue qu’elle offre presque autant que de YouPorn.
Laure monte sans passion des colloques en Histoire contemporaine. Clément anticipe les mouvements des marchés, déplorant que les crises n’arrivent jamais vraiment, que le pire ne soit qu’une promesse perpétuellement reconduite.
De la vie, l’une attend la surprise. L’autre, toute capacité d’illusion anéantie, attend qu’elle finisse, fatigué d’être un homme dans un monde où seules les tours de la Défense sont légitimement phalliques.
Bref, il serait bon que leur arrive quelque chose.
Ils vont être l’un pour l’autre un choc nécessaire.
Saisis par la passion et ses menaces, ils tentent d’abord de se débarrasser l’un de l’autre en assouvissant le désir, naïvement convaincus qu’il se dompte. Nourrissant malgré eux un espoir qui les effraie et les consume, ils iront loin dans l’incendie.
Dans l’ombre, quelque chose les surveille : la jeunesse sans nuance et sans pitié de Véra.
Au gré d’un roman sur la passion, Feu photographie une époque. Où les hommes ne sachant plus quelle représentation d’eux-mêmes habiter, pourraient renoncer. Où les femmes pourraient ne pas se remettre de l’incessant combat qu’elles doivent mener pour être mieux aimées. Où les enfants, nés débiteurs, s’organisent déjà pour ne pas rembourser.
Alternant les points de vue des deux personnages dans une langue nerveuse et acérée, Maria Pourchet nous offre un roman vif, puissant et drôle sur l’amour, cette affaire effroyablement plus sérieuse et plus dangereuse qu’on ne le croit.
Maria Pourchet et l’amour pyromane
Pourquoi aime-t-on ? Le désir a-t-il un sens ? Autant de questions que l'écrivaine Maria Pourchet aborde avec une plume délicate et acérée dans son sixième roman, "Feu" (Fayard 2021), déjà sur les listes du Goncourt, du Flore et du Renaudot.
L’écrivaine Maria Pourchet, à Lyon, en 2019.• Crédits : Crédit BERTRAND GAUDILLÈRE/ITEM
Laure, 40 ans, professeure d'université et épouse ennuyée, rencontre Clément, 50 ans, salaire à cinq chiffres et banquier à la dérive. C'est l'histoire de cette rencontre, ces heurs et malheurs que nous raconte Maria Pourchet dans son roman Feu (Fayard), paru en septembre et vedette de la rentrée littéraire.
Maria Pourchet avait "vingt-cinq ans d'amour à nettoyer" : dans ce livre elle s'attaque à la passion, ce thème très vieux, avec une plume très neuve qui évite les pièges de la fleur bleue :
J'y suis allée tellement "trop" dans ce texte là, j'ai payé de ma personne, vraiment ... Je ne pouvais pas me faire aussi mal en écrivant et que ce soit gnangnan, je ne vois pas comment ça aurait pu se produire. (Maria Pourchet)
Après avoir hésité à écrire un roman en narration exclusivement féminine, Maria Pourchet signe finalement un livre polyphonique, qui fait alterner les voix des deux protagonistes, Laure et Clément :
La question de l'alternance des points de vue, c'était une manière d'éviter certains pièges. Si je me privais d'un point de vue masculin, je risquais de cultiver un point aveugle énorme ... Mais ça a été un prétexte pour poser beaucoup de questions aux hommes de mon entourage, des questions très intimes, très indécentes, que je n'aurais pas osé poser sans le filtre du "j'écris un roman, réponds-moi "! (Maria Pourchet)
Les deux personnages se cherchent et se trouvent, avant de se perdre en croyant se sauver :
En allant vers lui, Laure se sauve dans un certain état de sa vie, d'ennui et de léthargie ... Donc, dans un premier temps, elle se sauve, et, très rapidement, elle veut le sauver elle-même, elle se dit que ses sentiments vont suffire. Et cette mission va finir par se retourner contre elle. (Maria Pourchet)
Laure ne parvient pas en effet à redonner complètement courage à un Laurent miné par le "doute destructeur" :
Je voulais dire quelque chose de mon temps, et davantage sur les hommes que sur les femmes d'ailleurs ... sur la jeunesse aussi. Je me suis rendue compte à quel point je ne voudrais pas être un homme aujourd'hui. Toutes les définitions de la masculinité ont disparu ; l'injonction à être un homme est restée, mais le paradigme a disparu. Ce personnage de Clément , il est dans cette espèce de vide juridique, où on lui demande toujours d'être viril, mais on ne lui dit pas comment, et donc du coup ... il n'essaye même plus. (Maria Pourchet)
L'ensemble du roman propose une vision parfois dure et brutale de l'amour, mais ne se départit jamais d'une grande bienveillance et de beaucoup d'espoir : "l'amour est une souffrance" ne va pas sans "l'amour est une chance" :
Ce que j'ai appris de plus profond sur moi, c'était au gré d'une histoire d'amour : aucune formation intellectuelle, sociale, ne peut vous apporter ce que le fait d'accepter de tomber amoureuse vous apporte ... (Maria Pourchet)
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