Bien qu'il soit voué à la vengeance, bien qu'elle soit promise au duc
Gomez, Hernani et dona Sol s'aiment. L'intensité de cette passion
déchire le cœur du héros. Parce que le père du roi a tué le sien, il se
doit d'exécuter son fils ; toutefois, son cœur lui souffle de vivre.
Unis et désunis par une femme, les trois hommes doivent choisir entre
l'honneur et l'amour. Leur grandeur causera leur chute. Avec ses
personnages excessifs, ses multiples intrigues, son mélange de rire et
de larmes, Hernani est l'acte de naissance du théâtre romantique.
Hernani, ou l’Honneur castillan est une pièce de théâtre de Victor Hugo
représentée pour la première fois à la Comédie-Française le 25 février
1830 et publiée la même année.
Lors de la première représentation, la pièce déclencha de vives et
surprenantes réactions entre les classiques venus pour détruire la
contestation dans l’œuvre et les romantiques venus soutenir leur
champion. Ce fut la bataille d’Hernani.
Après la rédaction de la préface de Cromwell en 1827, où il affirmait la
nécessité de briser les règles du théâtre classique, Hugo est revenu à
la poésie lyrique avec notamment les Odes et Ballades (août 1828), qui
lui valent la protection du roi, et Les Orientales (janvier 1829). Comme
il désirait toujours abattre les classiques sur leur terrain admis, le
théâtre tragique, il enchaînait aussi les projets et les échecs, ainsi
Amy Robsart, échec à l’Odéon en février 1828. Mais le succès de Henri
III et sa cour en 1829 de son ami Alexandre Dumas lui redonna vigueur et
il s’attela à un drame historique en Espagne (les sujets français étant
systématiquement censurés par le pouvoir royal, tels Marion Delorme ou
Un duel sous Richelieu inspiré de la vie de la courtisane du XVIIe
siècle Marion Delorme). Ce fut Hernani.
La rédaction s’étala du 19 août au 24 septembre 1829, et il lut son
œuvre le 30 septembre à ses amis du cénacle romantique, qui
l’approuvèrent presque sans réserve. Il obtint l’autorisation de créer
sa pièce au Théâtre Français, les censeurs désirant l’abattre une fois
pour toutes, et une nouvelle lecture le 5 octobre devant la troupe de la
Comédie-Française suscita l’enthousiasme. Aussitôt distribuée, la pièce
entra en répétition.
Les répétitions furent cependant ardues : Mademoiselle Mars, étoile de
la troupe, jouant Doña Sol, avait le goût plutôt classique, même si elle
désirait aider ce jeune et talentueux auteur, et se prêtait mal aux
hardiesses de ton romantiques ; d’autres comme Firmin, un Hernani un peu
falot, et Michelot, Don Carlos plus élégant que vigoureux, redoutaient
surtout l’affrontement futur. Plusieurs, dont notamment Joanny, ancien
soldat aux ordres du général Hugo, et qui désirait ainsi rendre hommage
au fils en interprétant Don Ruy Gomez, étaient cependant enthousiastes
de briser les carcans ampoulés du jeu classique.
Les censeurs épluchèrent le manuscrit jusqu’en janvier, la pièce étant
retardée par le succès de l’Othello de Shakespeare mis en scène par
Vigny, coupant certains passages (mais pour des raisons politiques ou
religieuses, les censeurs se faisant honneur de laisser les hardiesses
stylistiques, espérant que le « mauvais gout » prononcé discréditerait
définitivement leur auteur), alors qu’une cabale se formait dans la
presse, menée par les classiques, visant à démolir à l’avance l’œuvre
nouvelle, ce qui ne fit que conforter Hernani dans son rang de «
manifeste » de la nouvelle génération, qui eut ainsi le temps de se
préparer à la bataille.
Chef de famille et chef de bande, tel est le Hugo qui attaque sa
dernière Bastille: le théâtre, protégé du romantisme par la tradition et
la censure. L'offensive se fait en trois temps. En 1827, acte I,
théorique: Cromwell et sa Préface proclament la liberté dans l'art, la
mort des «règles» classiques, la beauté moderne du «grotesque». En 1829,
acte II, politique: Charles X fait interdire Marion de Lorme pour
atteinte à la majesté royale; Hugo rompt avec le régime. En 1830, le
rideau se lève sur Hernani. Enfin mobilisée pour sa cause, voici l'armée
des fidèles, violemment parés et décoiffés, visibles, voyants, sonores;
en première ligne, le gilet rouge de Gautier et la crinière de Dumas.
Contre les «perruques» académiques et les «grisâtres» classiques, les
«flamboyants» défendent, pied à pied, l'alexandrin romantique. Succès de
scandale, la bataille d'Hernani s'achève sur un triomphe financier et
la victoire de l'art nouveau.
Maria Casarès et Pierre Brasseur dans "Hernani" de Victor Hugo
1947 |Petites histoires du théâtre d'amour - "Hernani" de Victor Hugo avec Maria Casarès et Pierre Brasseur (1ère diffusion : 07/11/1947 Chaîne Parisienne)
En 1985, un siècle après la mort de Victor Hugo, Antoine Vitez montait Hernani à Chaillot et il parlait ainsi de la pièce :
"La force subversive d'Hernani, depuis la création, s'est sans doute déplacée ; elle reste dans la forme artistique. Il traite l'alexandrin avec désinvolture, les accents ne sont jamais où on les attend normalement. C'est comme l'invention de la musique contemporaine. Je songe à Stravinski. Il opère aussi le mélange détonant du lyrisme et du mauvais goût, ou, comme il dit, du sublime et du grotesque. Les moments déchirants de tendresse sont traversés par des jeux de mots, des contrepèteries, des platitudes écrasantes. Ce n'est pas du ridicule : du risible, oui, parce que Hugo écrit aussi pour nous faire rire. Des collages de réalité surviennent dans l'invraisemblable, la quotidienneté est introduite dans la fable mythologique. Tout cela est d'une modernité bouleversante, d'une grande intelligence surtout".
Nous écoutons des extraits d'Hernani dans un montage de 1947 réalisé pour une émission de la Chaîne Parisienne avec Maria Casarès, dans le rôle de Doña Sol, et Pierre Brasseur dans celui d'Hernani. Pour commencer, nous sommes déjà à la scène IV de l'acte III et ils vont bientôt s'étreindre…
Extraits de "Hernani" de Victor Hugo, avec Maria Casarès (Doña Sol), Pierre Brasseur (Hernani) et Paul Oettly (Don Ruy Gomez de Silva).
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