lundi 25 octobre 2021

Film - 5.4/5 - Messe basse - 2020

 


Avec Messe Basse, Baptiste Drapeau livre un duel passionnel et intrigant entre Alice Isaaz et Jacqueline Bisset. À retrouver en salles dès maintenant.

Le cinéma français a des tendances timides lorsqu’il s’agit du cinéma de genre. Rares sont les propositions arrivant jusqu’à l’écran, et plus rares encore celles qui parviennent à convaincre leur public. C’est donc avec curiosité qu’on se penche sur le tout premier film du jeune cinéaste Baptise Drapeau, Messe Basse. Diplômé de la Fémis, il ancre ce premier long-métrage dans une volonté de renouveau, avec une proposition ambitieuse. Si l’ambition peut être dangereuse, le réalisateur la revendique sans arrogance, et laisse parler sa mise en scène. Appuyé sur un scénario bien travaillé, il amène à l’écran une patte presque vintage, remettant au goût du jour des codes venant du passé.




La maison… un personnage à part entière


Pour ce faire, il plante son décor dans les rues d’Arcachon, plus précisément dans une immense maison de sa banlieue bourgeoise. Cette belle demeure occupe l’écran d’une présence majestueuse dès les premiers instants. Elle est drapée de mystère, imposante et élégante, mais renferme assurément des milliers de secrets. La maison, ici, tient un rôle bien précis : celui du témoin, innocent tout d’abord, de la pièce fantastique qui se déroule sous ses yeux muets. Puis peu à peu, celle-ci réclame son dû. Elle avale les personnages dans l’intrigue de ses murs. C’est alors que le film commence réellement. Une ambiance lourde, presque poisseuse, s’abat sur l’écran. L’atmosphère enveloppe, comme si elle descendait en rampant dans la salle, jusque sur les sièges et s’y accrochait résolument.


C’est dans cette sensation, à la fois inconfortable et entêtante, que la maîtrise de Baptiste Drapeau s’impose. Le fantastique prend vie dans cette maison, encore ordinaire il y a quelques minutes de ça. L’empreinte du metteur en scène se révèle avec brio, emportant le récit dans une dimension nouvelle.


Un duel fascinant entre deux actrices de talent


Au cœur de la mise en scène, on retrouve deux actrices, occupant cet espace pesant d’un jeu toujours juste. L’une entrée depuis des décennies dans la légende hollywoodienne, l’autre une jeune étoile du cinéma français. Jacqueline Bisset, vieillie, mais plus magnifique que jamais, trouve dans le rôle d’Elizabeth une occasion de réinventer son jeu. Belle sans artifice, son aura dangereuse sait tout de suite habiter la place qui lui revient dans ce récit étrange. Elle est une dame âgée, esseulée par la mort de son mari si tendrement aimé. 


Pour combler le vide de son quotidien, elle ouvre la porte de sa maison à la jeune et jolie Julie, installée dans la région le temps de ses études. La cohabitation, inoffensive en apparence, laisse rapidement place à une méfiance entre les deux femmes. Quelque chose ne va pas, Julie, interprétée par Alice Isaaz (L’Etat Sauvage), en est certaine. Ses suspicions grandissantes la mènent jusqu’à un affrontement à huis clos pour l’amour du troisième habitant de la maison, qui se révèle peu à peu.


Un duel passionnel s’installe entre les deux femmes, vouant leur amour au même homme, ou plutôt au souvenir du même homme. Entre rêve et réalité, romance et horreur, ce combat charnel s’abat comme un ouragan sur le quotidien paisible de cette banlieue ennuyeuse. Habité par deux actrices généreuses, se livrant corps et âme à ce drame surnaturel, le récit prend forme comme une évidence, sans pour autant dépouiller le spectateur d’un sentiment de surprise jouissif.


Messe Basse ou Retrouver l’Amour


Au-delà du drame fantastique, Baptise Drapeau livre un réquisitoire sur l’amour. Julie est une jeune femme en quête d’aventure, cherchant le frisson enivrant d’un amour fort et sincère. Déçue par les hommes de son âge, elle entre en rébellion contre une société où l’amour se résume au sexe, et n’est jamais emprunt que de lâcheté et de peur de la solitude. Dans sa nouvelle vie auprès d’Elizabeth, elle trouve enfin le sentiment fébrile de l’amour naissant, et s’accroche à lui, quoiqu’il en coûte.


En choisissant d’utiliser le fantastique pour dévoiler une critique acérée de la société, le réalisateur se montre à la hauteur de ses ambitions avec Messe Basse. Un premier film vraiment enthousiasmant, doté d’une atmosphère prenante dont on se sépare difficilement une fois sorti de la salle.

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