Qu’est-ce qui m’a poussée, jeune fille, à abandonner mes proches, ma maison, ma langue maternelle ?
Pourquoi ai-je laissé derrière moi mes amis, mes petits frères, ma mère, mon pays ?
Qu’est-ce qui fait qu’un homme tendre comme mon père est devenu un monstre, à un moment donné ?
Quel est ce mal qui m’a rongée jusqu’à presque en
crever ?
Cela s’appelle Italie : ma douleur, mon amour, ma patrie.
Un pays qui n’a pas fait les comptes avec le fascisme dont il fut l’inventeur.
Un pays comme une famille, plein de secrets – bruyants, destructeurs, meurtriers. »
S.G.
Après Dolce Vita 1959-1979 et Les Nouveaux
Monstres 1978-2014, Simonetta Greggio poursuit son « autobiographie de l’Italie ». Pour la première fois, elle raconte l’histoire de sa famille, de ses parents, et la sienne. À la violence intime répondent les années sombres et rouges de l’Histoire.
Simonetta Greggio "Je suis devenu un auteur français tout en restant une femme italienne"
L'exploration narrative au cœur de l'Italie se poursuit dans le dernier roman de Simonetta Greggio, "Bellissima" publié le 25 août 2021. L'occasion pour l'autrice de revenir, au micro d'Arnaud Laporte, sur son parcours d'écrivaine, ses méthodes de travail et ses sources d'inspiration.
Simonetta Greggio est née en 1961 à Rubano, en Vénétie. Elle est romancière et traductrice. Après avoir été dans un collège religieux, Simonetta Greggio passe son baccalauréat en candidat libre au couvent des Ursulines de Cortina d’Ampezzo. Elle quitte sa famille à dix-sept ans et fait par la suite, des études de lettres à la Faculté de Venise. Elle part en France le 11 mai 1981, et entre à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS) et exerce par la suite en tant que journaliste pendant plusieurs années pour des revues et des magazines.
Je me suis rendue compte très rapidement qu’il fallait gagner cette liberté et que c’était à moi de décider. Cette décision a été l’acte capital de ma vie. Quand j’y repense, j’ai envie de prendre dans mes bras la petite jeune fille que j’ai été, qui a pris la liberté de quitter sa famille pour le bien de sa famille. Cela a été un sacrifice sur lequel s’est fondée ma vie de femme.
Une vocation : l'écriture
Simonetta Greggio est depuis toujours portée par une veine littéraire comme si elle était destinée à cela. Grande lectrice, elle n’a jamais cessé d’écrire depuis son enfance et a appris l’écriture en écrivant. Ce désir profond de création et d'expression littéraire s'appelle, selon l'écrivaine, "la poudre magique". Une poudre magique qui ne cesse de se répandre de romans en romans.
Dans l'écriture de Simonetta Greggio rien n'est linéaire ni univoque, elle aime multiplier les points de vue et les voix dans ses récits. Elle peut tout aussi bien osciller entre le roman et le document ; et mêler la fiction à la réalité par le biais de montages introduisant des événements et des temporalités différentes.
L’écriture est un état de transe. Il faut que je ne parle absolument à personne parce que je suis totalement dans mes rêves. Il n'y a pas de fracture entre le moment où je sors de ma nuit et le moment où je me mets à table. Sinon, il y a quelque chose qui se passe qui n'est plus de l'écriture ; et l'écriture, profondément, pour moi, c'est écouter ce que j'ai à dire. C'est suivre d'une manière totalement « focus » une pensée profonde que je ne connais même pas, c'est à dire que c'est la pensée qui défile et je ne fais qu’être assise à ma table pour la travailler. Alors, évidemment que ce n'est pas que ça, l'écriture, puisqu'après il y a le métier, les répétitions, les coupes. C'est comme écrire un film. L'écriture en tant que telle, c'est quelque chose de totalement hypnotique.
Je saute un peu du coq à l'âne, c'est à dire que je suis fascinée par toutes les formes d'écriture. J'écris des scénarios, j’écris des chansons, des poèmes, j'écris des choses très curieuses, comme des guides de voyage également. Je suis graphomane, j'aime écrire depuis que je suis enfant. J'y trouve ma voie et mon contentement ; et aussi, probablement, un apaisement ou alors un toc.
La douceur de vivre marquée par la politique de l'Italie
Simonetta Greggio est également de nationalité française mais elle vote en Italie où sa famille réside. La politique italienne l’intéresse plus particulièrement. En effet, dans ses romans elle évoque en français, librement, son pays et ses heures les plus sombres, de l’après-guerre au berlusconisme. L'essence même de ses histoires ressort à la fois de la beauté et de l'obscurité de son pays natal. Les violences terroristes ou mafieuses dirigées contre les petites gens ou l’élite récalcitrante ne sauraient effacer la nostalgie et la grandeur. C'est une Italie à deux visages, entre la douceur de vivre et les années de plomb.
Son actualité : Son dernier roman "Bellissima" aux éditions Stock, publié le 25 août 2021.
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