Nous allons sortir différents de l'épreuve traumatisante de la pandémie. Or nous ne sommes pas entrés égaux dans cette crise. Certains d'entre nous ont bénéficié de facteurs de protection. D'autres portaient en eux des facteurs de vulnérabilité. Mais tous nous devons tourner la page pour récrire une histoire nouvelle. Comment se remettre à vivre et construire une société différente, moins pathogène, qui remet l'humain au centre ? Il s'agit de repenser la santé, l'école, les relations parents-enfants, mais aussi notre rapport au temps et notre dépendance aux écrans, de créer de nouveaux rituels, de renouer avec l'altérité.
Deux scientifiques qui ont mis "l'autre" au coeur de leur travail, cheminent ensemble depuis longtemps. L'un, Boris Cyrulnik, est un psychiatre de l'écoute qui a fait l'expérience du traumatisme, puis de la résilience qu'il transmet aujourd'hui autour de lui. L'autre, Xavier Emmanuelli, est un médecin qui a couru le monde pour aider ceux qui souffraient et qui a appris en retour. Tous deux s'interrogent mutuellement, apportent des explications et des solutions.
Leur dialogue, lucide et fort, ouvre des pistes pour un futur meilleur.
Xavier Emmanuelli et Boris Cyrulnik: «La pandémie est un minuscule problème biologique, mais un immense problème de civilisation»
Il faut lutter contre la «déréalisation du monde» et remettre l’autre et le lien au centre de notre quotidien. Tels sont, pour les deux scientifiques français, les enseignements à tirer du covid
La peste médiévale a fait 25 millions de victimes, mais elle a aussi entraîné la protection du monde paysan, devenu indispensable pour nourrir les survivants, et le renouveau artistique: confinés chez eux, les peintres ont développé la représentation domestique en appoint à l’art religieux. La Seconde Guerre mondiale a coûté la vie à près de 80 millions de personnes, mais elle a également débouché, en France, sur la Protection maternelle infantile et la Sécurité sociale.
Autrement dit, «la catastrophe, ce n’est pas le désastre», clament Boris Cyrulnik et Xavier Emmanuelli dans Se reconstruire dans un monde meilleur, paru aux Editions HumenSciences, le 6 octobre dernier. «Moyennant les trois résiliences dont nous disposons – individuelle, sociale et naturelle –, nous pouvons profiter de la crise pour créer une dynamique nouvelle», assurent le célèbre neuropsychiatre et le fondateur de Médecins sans frontières.
L’avènement de l’homme sensible
L’axe de ce changement? Préférer l’homme sensible de Blaise Pascal à l’homme-machine de René Descartes. C’est-à-dire sortir de la politique du sprint et de la compétition pour faire de l’amour et du lien les piliers de notre quotidien. Boris Cyrulnik est catégorique: «Sans altérité, un cerveau ne fonctionne pas. Un bébé qu’on nourrit sans lui prêter aucune attention se laisse mourir. Notre tranquillisant naturel, c’est la relation.»
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