L’Avis pour dresser une bibliothèque (1627) reflète cette double influence : foisonnante liste de livres, encyclopédie des savoirs, monument d’autorités, cet ouvrage de jeunesse réalisé par un des membres de l’élite savante du premier XVIIe siècle mêle les noms, les titres, les thèmes et les sujets, s’attache à classer et à circonscrire les connaissances tout en s’inscrivant dans une dynamique prospective d’investigation et d’invention. Il y a du Warburg et du Borges dans cette entreprise fondatrice et formatrice qui réjouit, instruit et fascine par le vertige qu’elle imprime à l’esprit du lecteur moderne. Bibliothèque idéale, tombeau mélancolique des gloires vaincues et des certitudes acquises, l’Avis peut se lire comme un hommage en forme d’adieu à une culture du livre que l’épais et uniforme brouillard de l’oubli semble aujourd’hui être en passe de recouvrir.
Comment classez-vous votre bibliothèque? Quelle est la règle d’or des livres "bons voisins" dans une bibliothèque? le philologue, historien de la littérature, William Marx analyse la plus value d’une bibliothèque par rapport aux livres qu’elle contient.
Pourquoi faut-il trouver le livre qu’on ne cherche pas et pourquoi la mémoire est-elle la divinité à laquelle la bibliothèque doit rendre un culte?William Marx, titulaire de la chaire de "Littératures comparées" nous propose cette semaine et la suivante une passionnante enquête autour "bibliothèques invisibles", bibliothèques mentales qui ne sont pas sans lien, avec les bibliothèques matérielles, — qu’elles soient individuelles et subjectives — ou qu’elles soient institutionnelles, pratiquant un classement décimal, plus ou moins dérivé du fameux système américain Dewey.
Nous retrouvons aujourd’hui, encore, la figure de Gabriel Naudé, érudit du XVIIe siècle, qui s’avère le "type même du bibliothécaire pragmatique", tandis que d’extraordinaires images de bibliothèques sont commentées — et je vous invite à les retrouver sur la page de William Marx au Collège de France.
Fin décembre 2020, Marion Vignal a analysé pour le journal Le Monde le grand retour des bibliothèques, qualifiées de "miroir de notre intimité", "à l’arrière plan des réunions zoom ou des apéros whatApp", par temps d’épidémie et alors qu’ "On pensait le concept de bibliothèque de salon devenu désuet à l’ère du tout-numérique".
"Le collectionneur, indique Marion Vignal, a fini par opter pour un classement par couleur, après être tombé sous le charme d’une photo de la bibliothèque arc-en-ciel du designer graphique Stefan Sagmeister, à New York".
Serge Ricco a précisé à la journaliste : "Je retrouve beaucoup plus facilement mes livres depuis que j’ai adopté ce principe chromatique. Cela correspond bien mieux à ma mémoire visuelle".
Quant au directeur du Musée des arts décoratifs, Olivier Gabet, il met en avant une bibliothèque "officiellement mal rangée, truffée de petits objets en céramique, et qui obéit à son intuition personnelle" décrit Marion Vignal.
Pour Olivier Gabet : "La bibliothèque est un lieu de rencontres. Je range un livre, je tombe sur un autre. Des histoires se tissent."
Et c’est dans cet esprit que William Marx nous initie, aujourd’hui, à une stimulante "théorie énergétique et socio-économique" de la bibliothèque.
Le philologue note que "l'énergie dépensée dans le classement se transforme en ordre, et l’ordre, c’est de l’information. L’entropie étant l’état de désordre de la bibliothèque, nous savons que l’entropie augmente quand un livre sort de la bibliothèque, et encore plus quand il n’est pas remis à sa place."
Dès lors, de quelle façon l’ordre d’une bibliothèque devient-il information et peut-il éclairer la mémoire? Quelles connexions suscitent les classements ?
Nous gagnons le Collège de France, le 2 mars 2021 pour le cours de William Marx, aujourd’hui "Comment classer une bibliothèque ?"
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