Entre 1899 et 1906, Marcel Proust consacre l'essentiel de son temps à
l'étude des textes de John Ruskin (1819-1900). Ce penseur britannique, à
la fois critique d'art et réformiste social, a laissé une oeuvre
monumentale dont le jeune écrivain va nourrir ses réflexions sur la
place de l'art dans la vie, la symbolique de l'architecture gothique, la
prédominance de la sensation sur la réflexion ou les mécanismes de la
mémoire involontaire.
Enthousiasmé par ces découvertes, Proust publie de nombreux articles sur
Ruskin et traduit deux de ses livres : La Bible d'Amiens et Sésame et
les Lys. Le premier est une célébration historique et littéraire de
l'une des plus belles cathédrales de France. Le second réunit deux
conférences de Ruskin, l'une sur la nécessité fondatrice de la lecture,
dont il déplore la désaffection chez les Anglais ; l'autre sur la place
de la femme dans une société en pleine mutation, entre tradition et
industrialisation.
Plus encore qu'une traduction, le travail minutieux de Proust,
accompagné d'une annotation abondante, procède d'une véritable
confrontation avec la pensée originale de Ruskin. Proust élabore par là
son univers en développant ses propres idées sur l'art, la lecture et le
style. La présente édition réunit pour la première fois l'ensemble des
textes que Ruskin lui inspira. Enrichis de commentaires, ils mettent en
évidence les liens avec sa grande oeuvre à venir, À la recherche du
temps perdu, dont ils constituent en quelque sorte la genèse.
C'est ainsi qu'à travers Ruskin on assiste à l'invention de Proust par lui-même.
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