jeudi 6 janvier 2022

Livre - Plaidoyer pour une viande sans animal - Thomas Lepeltier David Chauvet

Agriculture cellulaire, viande de synthèse : la nourriture de demain ?

 
Alors qu'en 2013, la viande cultivée en laboratoire n'était qu'au stade du prototype, le secteur de l'agriculture cellulaire se structure à l'échelle mondiale : investissements financiers, autorisations de mise sur le marché, progrès technologiques. L'alimentation de demain sera-t-elle cellulaire ?


Ce soir nous parlons d’alimentation et de cuisine du futur, en explorant l’agriculture cellulaire qui permet notamment de concevoir en laboratoire la viande de culture ou viande de synthèse. Non ce n’est plus de la science fiction.


Une technologie qui pourrait résoudre deux problèmes de l’époque : d’un côté le besoin de nourrir une population toujours croissante et de l’autre la possibilité d’adopter une conduite plus éthique pour lutter contre la maltraitance animale.


L’agriculture cellulaire est en pleine expansion…Des Etats-Unis à Israël en passant par la France, des nouveaux acteurs parient sur des retombées économiques colossales.


Alors quel est l’impact environnemental de cette agriculture ? Qu’en est-il du risque sanitaire et de l’apport nutritionnel ? Avantages et limites de la « clean meat » soit en français la viande propre ! Nous en parlons avec : 


Nathalie Rolland, co-fondatrice et directrice exécutive de l’association Agriculture Cellulaire France
David Chauvet, juriste et co-auteur du Plaidoyer pour une viande sans animal (Ed. PUF, 2021)
Marie-Pierre Ellies Oury, maîtresse de conférences à Bordeaux Sciences Agro (BSA) et Chercheure à l’UMR Herbivores d’INRAE

L'agriculture cellulaire : une viande cultivée en laboratoire 

C'est en 2013, que la viande "in vitro", ou viande cultivée a été présentée au grand public dans une émission télévisuelle britannique. Le chercheur néerlandais Mark Post, après plusieurs années de développement, présentait le résultat d'un nouveau processus de production d'alimentation carnée, l'"agriculture cellulaire" : 


Dans l'agriculture cellulaire il y a deux types de produits, d'un côté le développement de viandes, poissons et fruits de mer développés à partir de cellules (...), de l'autre les protéines animales pures que l'on retrouve dans les oeufs et la gélatine, qui elles vont être faites par fermentation. Nathalie Rolland, directrice d'Agriculture Cellulaire France


Concrètement, comment est créée la viande in vitro ? Des cellules souches sont prélevées par biopsie sur un animal, puis celles-ci sont "cultivées" en laboratoire : elles se multiplient et se différencient en cellules de muscles dans un environnement adapté à leur croissance. Par la suite, des cellules de muscle sont ajoutées à des cellules de graisse et de tissus conjonctifs pour former de la viande. Marie-Pierre Elles Oury, chercheuse à l'INRAE, conteste la terminologie de viande pour qualifier le produit de ce processus : 


Dans le milieu de la recherche on a plutôt tendance à parler de "fibres musculaires en culture", plutôt que de viande. Parce qu'en fait la viande (...) est constituée d'un ensemble de fibres musculaires certes, mais il y a également du tissus conjonctif, de l'hémoglobine avec du fer, il y également des adipocytes qui amènent le gras. C'est un support qui ne peut pas se limiter aux seules fibres musculaires.  Marie-Pierre Elles Oury, chercheuse à l'INRAE


Une viande plus éthique et plus durable ? 

Cette viande élevée en laboratoire répondrait à une contradiction contemporaine entre notre souhait de manger de la viande et notre connaissance de la souffrance animale engendrée par l'élevage intensif. Si l'on prend en compte la hausse démographique et l'évolution de la demande au sein des pays en voie de développement, les études prédisent une hausse de la consommation d'alimentation carnée de 50% d'ici 2050 à l'échelle mondiale. La viande en laboratoire permettrait ainsi de répondre à cette demande tout en atténuant la souffrance animale. Pourtant aujourd'hui, la souffrance animale n'est pas totalement exclue de ce processus : la viande in vitro est cultivée à partir d'un sérum de veau foetal : 


"Pour arriver à ce que les cellules puissent croître il faut un milieu de culture qui soit optimum et ce milieu de culture en l'état actuel des choses il est fait à partir de sérum foetal bovin que l'on va prélever sur des vaches gestantes, ce qui signifie qu'il faut abattre des vaches gestantes." Marie-Pierre Elles Oury, chercheuse à l'INRAE


Aujourd'hui utilisé à Singapour, premier pays à avoir autorisé la commercialisation de "viande in vitro", ce sérum foetal est censé disparaitre de la production pour être remplacé par un sérum végétal. Autre promesse de la viande in vitro, l'impact moins important sur la planète de la production d'alimentation carnée, notamment en réduisant les émissions de gaz à effet de serre produites par les élevages. Mais pour cette question, tout dépendra de l'énergie utilisée pour faire fonctionner les usines : 


L'émission de CO2 va dépendre surtout de la manière de produire la viande in vitro, c'est à dire de l'énergie que vous allez utiliser. Il est évident que dans un pays comme la France, où l'énergie est majoritairement nucléaire, vous allez avoir un impact environnemental en termes de rejet du CO2, beaucoup plus faible que les émissions équivalentes en méthane. David Chauvet, juriste et essayiste 


Bientôt une "viande in vitro" en France ? 

Alors que la commercialisation de la viande in vitro a été autorisée à Singapour en 2020, et qu'une usine de viande cultivée vient tout juste d'être installée au Qatar, la France semble particulièrement réfractaire à ce nouveau mode de production de l'alimentation carnée. En avril 2021, l'Assemblée Nationale a ainsi voté un nouvel article de la loi climat, interdisant la viande cultivée dans les cantines. Et ce, alors même que Bruxelles n'a pas octroyé d'autorisation de mise sur le marché. 


La viande artificielle rentre dans le règlement des nouveaux aliments, ce qui fait qu'il va y avoir un certain nombre de questions techniques et sanitaires qui vont se poser  pour arriver à être considéré comme un nouvel aliment. Marie-Pierre Elles Oury, chercheuse à l'INRAE 


Ce qu'il faut attendre  c'est que les premières entreprises arrivent avec les informations  dont ont besoin les responsables de la règlementation. Il faut aussi être avancé au niveau technologique et montrer à quoi  va ressembler le produit, donner des informations sur le produit. Nathalie Rolland, directrice d'Agriculture Cellulaire France


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