Festival de Cannes 2021 : "Les Intranquilles", une lutte désarmante contre la bipolarité destructive
Le réalisateur belge Joachim Lafosse, pour la première fois en lice pour la Palme d'or, a l'habitude de porter à l'écran les difficultés des couples. Il met cette fois une famille à l'épreuve de la maladie, dans un drame psychologique troublant de justesse porté par le remarquable duo Damien Bonnard - Leïla Bekhti.
Il est le 24e et dernier film en compétition à avoir été projeté sur les écrans cannois avant la très attendue remise de la Palme d'or 2021. Les Intranquilles de Joachim Lafosse clôture en beauté la sélection de ce 74e Festival de Cannes, avec une plongée dans le quotidien d'une famille soumise à l'épreuve de la maladie. Le réalisateur belge, qui a déjà filmé les tourments amoureux dans L'Économie du couple, porte cette fois-ci à l'écran les ravages de la bipolarité.
Une famille complètement impuissante
Damien (Damien Bonnard) est artiste-peintre. Inspiré par fulguances, hyperactif toujours en mouvement, il vit avec sa femme Leïla (Leïla Bekhti) et leur jeune fils Amine, et leur fait bien malgré lui vivre un enfer au quotidien. Atteint de troubles psychiatriques, il passe en quelques secondes du rire à la colère, du calme à la paranoïa, de la tendresse à la violence. Imprévisible, insomniaque, il impose à sa famille un comportement hautement instable, entre phases maniaques et épisodes de dépression. Son traitement au lithium va le tranquilliser, mais il ne sera alors plus que l'ombre de lui-même, face à sa famille, impuissante et à bout de nerfs.
Cette psychose maniaco-dépressive, dévastratrive pour celui qui en est atteint comme pour ceux qui partagent sa vie, Joachim Lafosse la connaît bien, puisque son père était lui-même atteint de bipolarité. "J'ai toujours eu envie de raconter ce qu'il se passait à la maison quand j'étais enfant. Je voulais autant parler de l'entourage que de celui sur lequel on a mis un diagnostic", raconte-t-il en marge de la présentation de son long métrage. Pas étonnant donc qu'il transpose avec autant d'intensité cette lutte de tous les instants d'un homme pour retrouver un équilibre émotionnel.
Damien Bonnard et Leïla Bekhti déchirants
Comme le personnage de Leïla Bekhti, admirable de courage et de dévouement, on assiste donc, complètement démunis, à l'inexorable dégradation de l'état d'un protagoniste au demeurant attachant, que Damien Bonnard incarne avec une justesse digne d'un prix d'interprétation. L'acteur de 42 ans, révélé dans Rester Vertical d'Alain Guiraudie et remarqué dans la superproduction Dunkerque de Christopher Nolan, s'est brillamment approprié un rôle pour lequel il s'est longuement préparé avec des psychiatres.
À l'aide de plans appuyés sur les regards, on partage avec force les moments de complicité et d'amour sincère, qui laisse vite place aux déchirements, aux insultes voire à des accès de violence physique. Observer à travers les yeux d'un enfant cette fascination effrayée pour son père en devient parfois difficile à supporter. Comme dans cette scène particulièrement embarrassante où Damien fait irruption dans une salle de classe pour distribuer des gâteaux à tous les élèves. On termine le film épuisé par cette déperdition d'énergie, cette surveillance permanente et ce sentiment angoissant qu'il n'existe aucune solution pour guérir de ces maux et réussir à contrôler la situation. Le récit saisissant d'une maladie qui finit par détruire bien plus que l'"intranquille" qui la déclare.
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