Muharem fuit la ferme où il travaillait et son propriétaire, un paysan cruel, n'emportant avec lui que son coq. Sur son chemin, il prend part aux festivités du mariage de la femme dont il est secrètement épris. Pris de boisson, les autres convives veulent s'en prendre à son coq et à Muharem lui-même. Le jeune homme doit à nouveau s'enfuir, l'animal sous le bras.
Le Monténégro à travers 'Le Coq rouge' de Miodrag Bulatovic (1930-1991).
Nous poursuivons notre voyage autour de la Méditerranée au Monténégro, indépendant depuis 2006 et la dissolution de la communauté de Serbie-et-Monténégro, avec Le Coq rouge, de Miodrag Bulatovic (1930-1991). Paru en 1959, Le Coq rouge est un roman de l’excès, brûlant comme un alcool trop fort. Roman puissamment symbolique sur la violence et la cruauté humaines, Bulatovic mêle au réalisme de ses descriptions de personnages et de lieux, un imaginaire merveilleux qui évoque les tableaux de Chagall.
Les invités s'assemblaient autour de Mrkoïe. Les uns s'étreignaient, d'autres tenaient des flacons de rakia à la main ou trinquaient ; osseux et minuscules, bruyants et saouls depuis longtemps, ils contemplaient le cerisier où, sur la plus haute branche, on voyait, rouge, le coq. Miodrag Bulatovic
Pour évoquer Le Coq rouge, Mathias Enard s'entretient avec Jean-Arnault Dérens, journaliste et écrivain, fondateur du site Le Courrier des Balkans et avec l'écrivain Velibor Čolić, auteur notamment de Ederlezi (Gallimard, 2014) et du Livre des départs (Gallimard, 2020).
Jean-Arnault Dérens revient sur le contexte à la fois géographique et historique du roman :
Le Coq rouge se situe dans ce vaste territoire rural que l'on appelle le Sanjak de Novi Pazar au nord du Monténégro, aux environs de la ville de Bijelo Polje, où est né Bulatovic. Mais la violence qui se déploie dans le roman est une violence païenne que l’on pourrait retrouver dans n’importe quelle société rurale européenne où les fonctionnements sont similaires, où l’on retrouve à chaque moment libératoire que sont la fête et la noce des gens ivres et violents. Il faut éviter toute lecture orientalisante ou balkanisante de cette violence. Le Coq rouge se déroule dans la période post-ottomane. Dans cet espace composite que sont les Balkans post-ottomans, les identités de chacun sont connues sans qu’elles soient un facteur de tension ni de discrimination. Qu’ils soient orthodoxes ou musulmans, tous les personnages boivent la même eau de vie. S’il y avait un message politique dans l’œuvre de Bulatovic, ce serait que tous les hommes, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, subissent la même punition qui consiste à essayer de devoir vivre.
Ecrivain serbo-croate, exilé en France depuis 1993, Velibor Čolić a découvert Miodrag Bulatovic à la fin des années 1970 et a, dès la lecture de ses premières œuvres, été séduit par cette écriture à première vue décousue mais en réalité maîtrisée, virtuose, sauvage. Et par un univers qui dans Le Coq rouge, devient montagnard, cru et pétillant :
C’est comme si Bulatovic avait dressé un chapiteau de cirque dans ce nomad’s land entre la Serbie, la Turquie et le Monténégro pour évoquer cet espace métaphysique qu’on appelle les Balkans, l’espace de la dualité. Et sous ce chapiteau de cirque, comme dans les histoires populaires, le comique va reposer sur deux figures antagonistes que sont les deux fossoyeurs. Pour moi, on est dans la comédie classique grecque, où deux personnages arrivent l’un après l’autre dans un locus terribilis, avec leur masque et leurs grimaces. Sretchko et Ismet sont un peu comme le Yin et le Yang de l’espace balkanique : deux prénoms, deux destins, deux langues, deux religions, mais un seul destin, comme figé dans cet espace intermédiaire.
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