Jeune poète danois, Malte Laurids Brigge arpente le pavé parisien à la recherche de la réalité. Une réalité crue, qui sent "l'iodoforme, la graisse de pommes frites, la peur". Autour de lui, on meurt dans l'anonymat et le vacarme de la métropole, on se déchire au détour d'une ruelle sans même prêter attention à sa présence. Qu'elle est loin, la douce harmonie d'une enfance passée dans un château bordant la mer Baltique... Chaque visage déformé par la misère s'imprime de façon indélébile dans l'âme de Malte, qui veut tout voir, tout entendre et tout éprouver. Cette terrifiante expérience rend criante une vérité que son éducation avait cherché à occulter : la mort est une chose que chaque être porte en lui. Malte écrit pour conjurer ses angoisses, sans jamais tenter de se détourner de la violence du monde car l'épreuve de l'art ne peut se satisfaire de faux-semblants. Double fantomatique de Rilke, le personnage des Les Cahiers symbolise la difficulté d'écrire et l'aspect potentiellement destructeur d'une telle entreprise. Le poète se doit de recevoir le monde, en a-t-il pour autant la force ? Comme le dira plus tard René Char : "La lucidité est la blessure la plus proche du soleil."
Inconnue de la Seine, la mort lui va si bien - Invitation au voyage | ARTE
En 1910, dans son roman “Les cahiers de Malte Laurids Brigge”, Rainer Maria Rilke décrit le visage sculpté d'une belle endormie. Le visage d'une adolescente, supposément morte noyée. Un visage serein, paisible, presque souriant. “Il était beau, parce qu’il souriait, parce que son sourire était si trompeur ; comme s’il savait.” Ce roman va créer une sensation et le visage de l'inconnue va devenir populaire. L'atelier qui avait sculpté ce masque mortuaire répondra à d'innombrables commandes. André Breton et Louis Aragon, qui ont été témoins des horreurs de la guerre, seront subjugués par ce visage où la mort apparaît si douce. Ils feront de la noyée de la Seine, la muse du courant surréaliste. Le masque de l'inconnue de la Seine sera un leitmotiv dans “Aurélien”, le roman d'Aragon. Il se confond avec le visage réel de l'héroïne de ce roman.
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