mercredi 22 septembre 2021

Livre - Le roman égyptien - Orly Castel-Bloom

 


Autoportrait avec famille, «Le Roman égyptien» rejoue comme aux dés les pérégrinations des Castil, originaires d’Égypte et auparavant d’Espagne, et encore avant, de la sortie biblique d’Égypte. Sauf que les ancêtres bibliques d’Orly Castel-Bloom ne sortent pas d’Égypte : ils y restent et forment une tribu sauvage, autochtone, qui oublie son judaïsme. Quant aux Castil d’Espagne, ils restent eux aussi sur place et se convertissent pour échapper à l’Inquisition, leur fille devenant même porchère pour donner le change. Plus tard, la famille quitte l’Égypte avec un mouvement de jeunesse sioniste ouvrier et rejoint un kibboutz en Israël, dont elle sera expulsée aussi pour excès de jusqu’au-boutisme stalinien…
À l’issue de ces trois expulsions historiques dont elle est le fruit, la narratrice n’a pas de nom, pas d’identité, elle est l’aînée, “la grande fille”, “la grande”, en quête permanente d’une place dans le monde.
La romancière explose ici la narration classique «façon puzzle», pour mieux dire les éparpillements de l’âme et le poids de l’hérédité. Entre montagnes russes et kaléidoscope d’images et d’émotions, le roman – comme la famille – fait rhizome : les souvenirs qu’on se transmet sous forme d’histoires confinant au légendaire deviennent le limon d’un roman familial aussi constitutif que destructeur et c’est dans ce corps à corps acharné avec un passé lourd de blessures mais traversé d’éclats de rire qu’Orly Castel-Bloom déchaîne une singularité radicale aux résonances universelles.

Mer des langues : Orly Castel-Bloom

Israël à travers "Le Roman égyptien" d’Orly Castel-Bloom, saga familiale burlesque dans laquelle la romancière décrit dans une veine tragi-comique la dissolution de la communauté juive d'Egypte, après son expulsion par le régime de Nasser en 1957 et son exil forcé en Israël.

"Moïse sauvé des eaux" (1647), tableau de Nicolas Poussin (département des peintures - Musée du Louvre)

Orly Castel-Bloom Le Roman égyptien, (Actes Sud, 2016) qui évoque le destin d’une famille de Juifs d’Égypte au XXème siècle, leurs pérégrinations en Égypte et auparavant en Espagne, et encore avant, lors de la sortie biblique d’Égypte.

Aussitôt après que le roi Ferdinand II et la reine Isabelle la Catholique eurent décrété que les juifs devaient se convertir au catholicisme ou quitter la Castille et l’Aragon dans les quatre mois suivants, Youda, l’aîné des fils, dépêcha sa fille Esther en expédition urgente, secrète et nocturne, pour réunir et informer la famille. C’était par une nuit froide. La famille arriva des quatre coins de Torre de Mormojón, leur haleine était visible un instant, puis disparaissait. Orly Castel-Bloom

Pour évoquer Le Roman égyptien d’Orly Castel-Bloom, Mathias Enard s'entretient avec l'écrivaine et traductrice Rosie Pinhas-Delpuech et avec le linguiste Louis-Jean Calvet. Ensemble, ils reviennent également sur l’histoire des Juifs en Méditerranée, de ces communautés juives que l’on désigne par le nom de Séfarades, et de leurs différentes langues d'expression.

A rebours du grand roman familial classique à la Lawrence Durrell, Orly Castel-Bloom livre avec Le Roman égyptien un grand roman burlesque. Elle délire, invente des histoires invraisemblables pour raconter l’extinction d’une communauté, celle des Juifs d’Egypte. Une communauté bourgeoise, extrêmement brillante, francophone, souvent de sensibilité communiste, dont le plus célèbre représentant est peut-être le poète Edmond Jabès, mais qu’elle décrit, dans un style tragique et hilarant en même temps, comme pleine de personnages malades, ou mourant, qui seraient comme des aristocrates venus s’échouer sur les rives de l’histoire.        
Rosie Pinhas-Delpuech

Volontairement désordonné, éclaté dans sa construction, Le Roman égyptien est riche d'indices de la grande diversité linguistique des Juifs d’Egypte qui était une réalité jusqu’à l’arrivée de Nasser au pouvoir en 1952. Jusqu’à leur expulsion, cette communauté bourgeoise parlait à la fois le français, l’anglais et l’arabe. Comme dans cette scène où les personnages se retrouvent en Israël dans un kibboutz de gauche et parlent en français pour qu'on ne les comprenne pas. Orly Castel-Bloom mélange différentes syntaxes, le français, l’anglais, l’arabe et fait aussi référence à tous ces mots qui n’existaient pas encore en hébreu et qu’il a fallu créer.      
Louis-Jean Calvet

 

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