L'île d'Arturo, c'est tout l'univers secret de l'enfance et de
l'adolescence, mais c'est également, dans le golfe de Naples, l'île de
Procida. Arturo y a grandi solitaire et sauvage. Au monde merveilleux
des mythes de son enfance, Arturo va peu à peu voir se substituer celui,
hostile et pourtant exaltant, des réalités.
Et ce sera dans une atmosphère captivante où la comédie côtoie souvent
le drame, à travers des aventures que baigne de poésie le talent d'Elsa
Morante, une initiation, qui va jusqu'à l'ultime épreuve, jusqu'à la
révélation du dernier et du plus cruel des mystères de la vie.
Mer des îles : Elsa Morante
Avant-dernière halte de cette circumnavigation littéraire en Méditerranée : l'Italie vu à travers les yeux d'Elsa Morante (1912-1985) et son roman 'L’Ile d’Arturo' (1957), traversé de secrets et de rêves, et situé sur une petite île de la baie de Naples, un territoire aussi réel qu'imaginaire.
• Crédits : Eri Morita - Getty
Avant-dernière station de notre voyage autour de la Méditerranée, l’Italie, le golfe de Naples et plus exactement l’île de Procida. Roman d’éducation, de passage à l’âge adulte, d’amours manquées, mais aussi roman de l’isolement et du dévoilement du sens comme de la souffrance de la vie, L'Ile d’Arturo d'Elsa Morante a obtenu le prestigieux Prix Strega en Italie en 1957.
L'une de mes premières fiertés avait été mon prénom. Je n'avais pas été long à savoir (et ce fut lui, il me semble, le premier à m'en informer) qu'Arturo est une étoile : la lumière la plus rapide et la plus radieuse de la constellation du Bouvier, dans le ciel Boréal ! Et qu'en outre ce prénom fut porté par un roi de l'Antiquité qui commandait à une troupe de fidèles, lesquels, comme leur roi lui-même, étaient tous des héros et que ce roi traitait en égaux, comme des frères.
Hélas, j'appris par la suite que le célèbre Arthur roi de Bretagne n'était pas de la vraie histoire mais seulement de la légende, et je le laissai donc de côté au profit de rois plus historiques (selon moi, les légendes étaient des choses puériles.
Elsa Morante
Si, à sa parution en 1957, il est l'œuvre déjà d'une figure essentielle de la littérature italienne, L'Île d'Arturo constitue un roman à part dans l'œuvre de Morante parce que c’est la seule fois où elle va faire l’unanimité. Ecrit entre Rome et Capri où elle séjournait avec son mari, l'écrivain Alberto Moravia, il va rencontrer un très grand succès public, contrairement à Mensonges et sortilèges (1948), son précédent roman, qui n’avait pas suscité autant d’enthousiasme, sans doute en raison de sa longueur et du fait qu’il apparaissait décalé dans la période de l’après-guerre. Même La Storia, son roman le plus connu à l’étranger, aura quelques problèmes de réception. Si L'Île d'Arturo prend comme point de départ l’île de Procida dans la baie de Naples, il n'est pas à proprement parler un roman réaliste, l'île servant davantage de prétexte à Elsa Morante pour construire un monde imaginaire
Pour évoquer ce roman, Mathias Enard s'entretient avec René de Ceccatty, auteur, traducteur et biographe d’Elsa Morante, et avec Hélène Frappat, philosophe, écrivaine et traductrice de l’italien.
Un roman plein de secrets, onirique, somnambulique où l’on perd parfois la notion du temps, pour se perdre dans un temps des origines, un temps mythologique. Une dimension fantasmatique que René de Ceccaty éclaire par la biographie d'Elsa Morante, en particulier par un épisode de son histoire familiale :
Dans L’Île d’Arturo, il y a beaucoup de secrets qui peu à peu viennent au jour mais le principal concerne l’homosexualité d’un personnage. Morante projette sur le personnage d'Arturo ses propres fantasmes liés à une absence de père, à un secret de famille qui a nourri profondément toute son œuvre. Comme son personnage, les mensonges et les secrets sont la nourriture de son imaginaire. Elsa Morante n’a jamais parlé de ce secret de famille, a trouvé, comme tous les grands écrivains, une voie symbolique, imaginaire, et extraordinairement poétique pour l’évoquer.
René de Ceccaty
Procida, territoire de l'imaginaire
C’est comme si l’île entière était un énorme phare, la proue d’un bateau qui s’avance dans la mer. Et dans cette dualité, cette ambivalence très napolitaine, il y a l’obscurité de ces petites rues tortueuses, effrayantes. Il y a la cosmologie du ciel et de la mer et en même temps ce territoire insulaire de fermeture et de peur qu’elle décrit magnifiquement à travers le regard de cet enfant. Pour moi, le tour de force littéraire c’est ce double regard de la narration qui parvient à faire de l’intériorité une extériorité. Tout le roman est construit dans un aller/retour entre les deux. A la fois dans une dimension photographique comme si on regardait des photographies de l’île de Procida et en même temps, un regard qui représente une échappée vers un territoire légendaire. Vers cette photo manquante de la mère du personnage d’Arturo, morte à sa naissance.
Hélène Frappat
- Textes lus par Peggy Martineau
- Prise de son : Bernard Laniel
- Musiques diffusées : Ornella Vanoni, Le Mantellate et Fabrizio de André, Crêuza de mä
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