On a pu comparer "Cités à la dérive", dont l'action se déroule à Jérusalem, au Caire et à Alexandrie pendant la Seconde Guerre mondiale, au fameux "Quatuor d'Alexandrie" de Lawrence Durell. A propos de cette grande fresque historique, Max-Pol Fouchet disait pour sa part : "Plus j'y pense, plus je mets ce livre non loin d'un autre qui raconte aussi une défaite populaire et la victoire dans cette défaite : "L'Espoir" d'André Malraux.
Mer en guerre : Stratis Tsirkas
Septième halte : la Grèce à travers un classique de sa littérature, le chef d'œuvre de Stratis Tsirkas (1911-1980). Roman-fleuve polyphonique, épique, aussi fascinant que déroutant, "Cités à la dérive" raconte la Grèce des années 1940, la guerre, l'exil et la diaspora, de Jérusalem à Alexandrie.
Né au Caire en 1911, Stratis Tsirkas
appartient à la grande famille des écrivains de la diaspora grecque.
Installé à Alexandrie jusqu’en 1963, il fut l’ami du poète Constantin
Cavafy et un militant antifasciste, contraint au silence après le coup
d’Etat militaire de 1967.
Parue en Grèce entre 1960 et 1965, la trilogie qui compose Cités à la dérive
(Le Cercle, Ariane, La Chauve-souris), publiée en français en un seul
volume en 1971 par Emmanuel Roblès dans la collection "Méditerranée" des
éditions du Seuil, raconte le destin d'une communauté dans les
tragiques années 1942-1943, à travers des personnages à la croisée des
chemins, comme leur pays. Roman de l’exil, de la politique et de
l’amour, Cités à la dérive a obtenu le Prix du Meilleur Livre étranger en 1971, neuf ans avant la mort de son auteur.
Je ne savais pas que la solitude se buvait à petites gorgées. Ni qu'elle était aussi amère, ma bouche ne peut s'y habituer. Et elle me monte à la tête. Des gens gesticulent, tiennent des discours sur un ton didactique. Allongé dans mon grenier ou assis, je les entends parler, parler comme des "têtes-coupées". Les mêmes choses, les mêmes choses, des mots coulés dans le même moule, tous.
Stratis Tsirkas
Pour évoquer ce monument de la littérature grecque, Mathias Enard s'entretient avec le traducteur et écrivain Michel Volkovitch et avec Loïc Marcou, spécialiste de littérature grecque moderne et également traducteur. Pour ce dernier, Cités à la dérive marque un véritable tournant. Publié entre 1960 et 1965, le roman a reçu d’emblée un accueil critique très favorable, et fait la renommée de son auteur.
Par sa dimension polyphonique, Cités à la dérive a changé la donne de la littérature grecque moderne. Polyphonique, mais aussi polyscopique : Tsirkas y multiplie les points de vue et en cela il est extrêmement déroutant. On perd parfois le fil de l’intrigue, on s’embrouille, la métaphore du labyrinthe d'Ariane présente dans la seconde partie n’est pas là pour rien.
Loïc Marcou
Les Grecs excellent dans la poésie, dans la nouvelle. "Cités à la dérive" a été qualifié à sa sortie de roman moderniste, d’expérimental. On est loin de Faulkner pourtant. C’est surtout son ampleur qui a surpris les Grecs, peu habitués aux romans-fleuve.
Michel Volkovitch
Le soleil roule lentement comme une roue de chariot turc. Il embrase le bonnet gothique du petit toit de la cathédrale. Au-dessus de moi, le renard de zinc de la girouette, tourne, queue tendue, et se plaint doucement.
Le plus dur, c'est le crépuscule. Stratis Tsirkas
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire