Paul, étudiant le jour, gardien dans un hôtel la nuit, est fasciné par Amélia, l’occupante de la chambre 313. Tout chez elle est un mystère : ses allées et venues sur l’écran de surveillance comme les rumeurs qui l’entourent – un père for - tuné, une mère poétesse disparue, une indépendance inouïe... Un soir, Amélia descend le retrouver à la réception. Ils s’aimeront passionnément. Puis Amélia disparaît. Paul ignore alors qu’elle s’est rendue à Sarajevo, à la recherche de sa mère, d’un pan inconnu de son histoire. Dix ans s’écouleront avant que les amants se trouvent à nouveau réunis.
Dans ce roman incandescent, Jakuta Alikavazovic évoque ce qui est perdu et ce que l’on parvient à sauver – quitte, parfois, à l’inventer. D’un siècle à l’autre, du monde qui finit à celui qui commence, la nuit avance et avec elle, les peurs – mais aussi l’amour et, peut-être, la liberté.
Jakuta Alikavazovic : "On est pour chacun sa propre nuit"
Qu'est-ce qui meurt dans une ville qui meurt de peur ?
Dans le roman de Jakuta Alikavazovic, L'avancée de la nuit, les fenêtres ne sont pas bien fermées. Elles ne garantissent pas d'étanchéité entre le dehors et le dedans, le passé, le présent et le futur. Entre celle qui parle et celle dont on parle.
(...) La nuit est à la fois, un espace et un moment, elle est par nature, je pense, ambivalente, et c'était pour moi, enfant, la promesse de l'aventure.
L’avancée de la nuit est un livre où il est question de ce que c'est que d'avoir des enfants, de ce que c’est que d'être l'enfant de quelqu'un. Un livre où la guerre ne se laisse pas oublier et contamine autant par ce que l'on connaît d'elle que par ce que l'on en ignore. Un livre sur la différence de classe sociale, sur l'héritage. C'est un livre où l'on apprend enfin que l'on n'est pas le centre du monde. Ça fait du bien. C'est un livre impossible à résumer. Ça fait du bien.
C' est comme une espèce d' immense espace de projection, pas un écran vide, au contraire, c'est une fenêtre noire, et derrière la fenêtre, il y a tout ce qu'il y a, en réalité, derrière, à l'abri du crâne de celui qui regarde....
Je pense que l'on vit un moment de désillusion collective, je pense que pour autant, tout n'est pas joué, mais qu'une forme de liberté et une forme de beauté sont en train de s'assombrir comme ça, de s'assombrir d'une grande inquiétude...
Le roman de Jakuta Alikavazovic est l’un de mes grands coups de cœur de la rentrée 2017. Dans un entretien, l’auteure dit avoir écrit « l’histoire d’un homme amoureux d’une femme qui est amoureuse du monde ». On ajoutera que ce roman d’amour envoûtant est inséparable d’une réflexion puissante sur la ville moderne.
Une passion incandescente
Avant de rencontrer Amélia Dehr sur le campus, Paul a beaucoup entendu parler de cette étudiante énigmatique qui vit à l’hôtel. Contrairement à elle, Paul doit travailler pour payer ses études d’architecture : il est surveillant de nuit dans un hôtel, justement celui où loge la jeune femme. Lorsqu’il la voit pour la première fois, il la trouve déconcertante mais irrésistiblement attirante. Amélia Dehr est magnétique, à peine sortie d’une enfance ballottée entre une mère bohème d’origine yougoslave et un père riche industriel. Les jeunes gens vivront une passion amoureuse incandescente, avant qu’Amélia ne disparaisse sans laisser de traces. Paul ne s’en remettra jamais ; il prend sa revanche sociale en devenant un brillant architecte, jusqu’au jour où son premier amour reparaît…
Peur sur le fil « L’avancée de la nuit » est un roman de la ville et de la peur. L’histoire d’amour se déroule sur fond de transformation des zones urbaines, de Sarajevo meurtrie, de Paris qui devient théâtre de la violence et de la révolte. La ville est ici le lieu de la disparition, du passage et de la clandestinité. Tandis que Paul trouve son salut dans la lumière de la reconnaissance, Amélia s’enfonce dans les marges nocturnes à la recherche de son histoire, fouillant la mémoire de l’immense palimpseste urbanistique sur lequel les hommes s’affairent. Le style s’inscrit contre l’oubli généralisé, la phrase revenant sur ses pas, collant à une narration qui explore le sentiment amoureux dans la modernité, et à une réflexion sur l’idée contemporaine de ruine comme poétique du chaos.
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