Téléfilm dramatique de Marion Laine (2020)
"Intraitable" est inspiré de la vie du vigneron Emmanuel Giboulot et de son, très médiatique, procès qui s'est tenu en 2014.
Le scénario est librement inspiré de l’histoire d’Emmanuel Giboulot, ce viticulteur beaunois qui refusa de traiter ses vignes. Le film, réalisé par Marion Laine, est porté par Fred Testot (rôle principal), Patrick Timsit ou encore Zineb Triki. La plupart des figurants des scènes tournées dans les Maranges sont des habitants de Cheilly ou d’anciens vendangeurs passés par le domaine Chevrot.
La scène la plus attendue est certainement la paulée, fête de fin de vendanges. Elle a été tournée dans la cour du domaine, avec toute la famille de Fernand Chevrot.
Avec : Fred Testot, Zineb Triki, Élodie Frenck, Laurent Bateau, Natalie Beder, Satya Dusaugey, Vanessa David, Eric Caruso, Philippe Dusseau, Majida Ghomari, Marine Dusehu, Eloïse Genet
Un viticulteur bio, discret et idéaliste devient presque malgré lui un lanceur d'alerte. Prié par arrêté préfectoral d'épandre préventivement du pesticide sur ses vignes, il refuse et s'engage dans une procédure longue et inégale contre L’État. Au cours de son action, il se voit obligé de défendre sa vision du métier, son exploitation et sa compagne contre les intimidations de ceux que son combat dérange...
Comment faire sans pesticides ? Le 1er mars, soirée France 2 : « Intraitable », un film avec Fred Testot, un débat et un documentaire
Dans le cadre de l’opération « Nous, Paysans », France 2 propose une soirée exceptionnelle avec un film et un débat, suivi d’un documentaire, pour répondre à la question : comment faire sans pesticides ? Dans la fiction « Intraitable », le comédien Fred Testot incarne un viticulteur qui, refusant de céder à l’injonction des traitements par pesticides, est conduit devant la justice. Emmanuel Giboulot, qui a inspiré cette histoire, a accepté de nous raconter son combat.
L’itinéraire d’un homme libre, Gabriel Rivalan, qui, au risque de perdre
son exploitation et de faire imploser son couple, choisit d’aller
jusqu’au bout de ses convictions.
Gabriel refuse de se plier aux
injonctions d’un arrêté préfectoral qui lui impose de traiter
préventivement sa vigne aux pesticides. Adepte de la biodynamie, il
s’oppose à l’usage de produits chimiques, qui, selon lui, fragilisent la
terre, détruisent les écosystèmes et mettent en péril la santé des
hommes.
Ce refus de principe entraîne peu à peu cet homme simple et discret dans une spirale judiciaire infernale qui va bousculer sa vie professionnelle et sentimentale, le transformant malgré lui en lanceur d’alerte.Gabriel est d’abord lâché par son syndicat avant d’être piégé ensuite au tribunal, l’accusation le faisant passer pour un doux rêveur et un dangereux inconscient. Condamné en première instance, il subit parallèlement les pressions verbales, parfois physiques, de certains de ses confrères et amis, au premier rang desquels Pierre Dubois qui, par peur des représailles administratives, veut lui faire abandonner son combat. Pour ça, ils n’hésitent pas à s’attaquer à Loubna, la compagne de Gabriel, dont la situation administrative fragile au regard des lois sur l’immigration est une cible facile…
Dans ce contexte tendu où sa vie est proche du chaos, Gabriel décide de
résister et reçoit pour préparer son procès en appel l’aide d’Astrid de
Rocourt, une ancienne lobbyiste repentie qui le forme à la lutte virale
et déclenche une pétition sur le Net pour populariser sa cause. Le
nombre de signataires monte rapidement et l'optimisme renaît, avant que
les mauvaises nouvelles ne pleuvent à l’approche de l’audience. Des
témoins effrayés se rétractent, Loubna, menacée de reconduite à la
frontière, et surtout Jeanne, la sœur cadette de Gabriel, viticultrice
également, atteinte d’un cancer des ovaires, qui décide de ne pas
témoigner au procès de son frère, bien qu’elle le soutienne.
Gabriel devra finalement sa victoire à la montée massive de la
mobilisation populaire en sa faveur (environ un million de followers), à
la ligne de défense habile de son conseil maître Boisseau, et à
quelques évènements inattendus...
Qui est à l’origine de cette fiction, et pourquoi avez-vous accepté sa réalisation ?
Emmanuel Giboulot : Didier Vinson, le scénariste, m’avait soutenu via les réseaux sociaux et les pétitions lors du procès et avait suivi ce qui s’était passé. Il m’a contacté pour m’expliquer ce qu’il souhaitait faire. Quand j’ai lu le scénario, j’ai accepté sur le principe que le film ne soit pas partisan mais équilibré. Ma position a toujours été de reconnaître les différentes postures en fonction des risques, des peurs, de la culture… Didier, qui a écrit dans cet esprit, l’a très bien compris. J’ai aussi accepté ce projet afin de sensibiliser à nouveau le public à des problématiques environnementales toujours très présentes. On se rend bien compte qu’à chaque fois qu’il y a une avancée sur des règles et des pratiques, il y a une espèce de retour de balancier avec des lobbies qui ne veulent pas que le système change.
Quelles libertés les scénaristes Marion Laine et Didier Vinson ont-ils prises avec la réalité ?
E. G. : Les faits essentiels se sont à peu près déroulés comme ça, sauf que je n’ai jamais été emmené par la police comme dans la première scène de la fiction où on vient me chercher ! J’ai été convoqué au commissariat pour me justifier, avant qu’il ne me soit signifié de me rendre au tribunal. Dans un premier temps, ça devait être une comparution devant le substitut du procureur de la République qui m’aurait rappelé la loi et m’aurait mis une amende. Je voulais que le sujet soit débattu, pour ne pas être uniquement sous le diktat d’une injonction à traiter. La vigne est quand même notre outil de travail, notre patrimoine, donc on ne fait pas les choses n’importe comment. Peu de temps avant l’échéance, voyant que je n’avais que quelques soutiens individuels et pas de structure agricole collective – certains groupes avaient appelé au traitement –, j’ai décidé de me tourner vers le monde des associations environnementales. C’est à partir de ce moment-là que l’affaire a commencé à être médiatisée. À partir de là, la comparution est devenue un procès.
Le personnage d’Astrid de Rocourt est-il bien réel ?
E. G. : En l’occurrence, la personne qui a initié la pétition qui a eu tant de succès est un homme ! Il est bien le représentant d’une association de santé, mais il n’avait pas l’habitude de prendre position sur des sujets environnementaux. Le personnage d’Astrid est très romancé ! Mais l’idée était bien de faire partager cette problématique. La vidéo où je lis un texte qu’on a élaboré ensemble a entraîné 750 000 signatures, au total environ 1 million avec celles qui ont suivi. Je n’avais pas imaginé que cela prenne de telles proportions : un millier de personnes devant le tribunal de première instance !
Qui vous a soutenu ?
E. G. : Des consommateurs un peu partout dans le monde, jusqu’en Australie, au Japon, en Chine, au Canada… Il y a eu deux éditos dans le New York Times ! Avant cette mobilisation, je me sentais assez seul. J’avais des soutiens individuels de collègues de la région et d’autres régions, mais en même temps j’étais rempli de doutes. Car je ne voulais pas que ceux qui avaient choisi de traiter soient montrés du doigt. Je respecte la position de tout le monde, les choix qui sont faits d’aller vers un mode de production ou un autre sont personnels. Moi, je considère que tout le monde a le droit de faire son chemin, plus ou moins tôt, vers la conscience des dangers de l’utilisation des produits chimiques. Je regarde juste la portée de nos actes sur l’environnement et sur la santé. Pour moi, c’est ça l’important, dans notre monde agricole. Il y a eu un moment de basculement : cette incohérence dans le système qui nous imposait de traiter alors qu’il n’y avait pas urgence, ni de présence avérée de la maladie dans notre région. Le besoin d’avoir plus de clarté sur les pratiques agricoles : dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit ! Dans le milieu agricole, souvent on ne dit pas ce qui se passe réellement. Les consommateurs réclament aussi plus de transparence et de conscience dans les pratiques.
Vous êtes-vous reconnu dans l’interprétation de Fred Testot ?
E. G. : Nous nous sommes rencontrés juste à la veille du tournage. Il a fait son travail de comédien sans vouloir forcément s’imprégner de qui j’étais, et je trouve ça plutôt sain. Je l’ai trouvé très juste et équilibré, car il est à la fois dans l’affirmation et dans le doute. Peut-être un peu plus excessif que moi à certains moments ! Zineb Triki, qui interprète Loubna, est très bien aussi, même si elle ne correspond pas à ce qu’est ma compagne dans la vie. Avant de partir au procès, mon avocat, bienveillant, m’avait plutôt découragé et alerté sur la pression et les difficultés que j’allais rencontrer. J’en avais discuté avec elle pour savoir si elle était d’accord, avant de me lancer dans cette aventure qui a été lourde à porter pour ma famille à certains moments. Quant à mon entourage, si certains comportements de gens que je connaissais bien m’ont blessé, la plupart sont plutôt venus me voir en me félicitant et en m’encourageant, même s’ils n’étaient pas forcément d’accord avec moi.
Qu’est-ce qui a changé dans votre vie depuis 2014 ?
E. G. : Pas grand-chose à part le fait d’avoir été légitimé dans ma démarche. Mais ça a légitimé aussi les pratiques d’un ensemble d’autres vignerons parce que si moi j’ai été médiatisé, plein d’autres ont fait la même chose : en 2013, on pense que 30 à 40 % ne se sont pas pliés à cette injonction qui paraissait incohérente. Donc, ça a donné du crédit à un bon tiers de la population viticole. Même si je continue à chercher, j’ai les mêmes pratiques depuis que j’ai commencé en 1985, à la suite de mon père qui a été le premier dans les années soixante-dix à se convertir au bio dans la région. Et mon engagement est ancien au sein d'un ensemble de structures professionnelles. Mon nom est un peu plus connu qu’avant, mais je continue à vendre ma production comme je le faisais avant.
Qu’est-ce que cette affaire a fait évoluer ?
E. G. : En région Bourgogne, les règles sont beaucoup plus cohérentes et l’écoute est bien meilleure. Personne aujourd’hui n’a envie de se confronter à une médiatisation comme on l’a vécue. On constate que dans les pratiques agricoles et viticoles de notre région, il y a une évolution des conversions vers l’agriculture biologique. Les chiffres le montrent : en l’espace d’un an, en Côte-d’Or, nous sommes passés de 21 à 24 % de la surface certifiée en bio, et on a plein de candidats à la conversion. Il y a plein de choses positives dans les pratiques – plus d'herbe dans les vignes –, mais il reste encore du chemin à faire !
À quoi êtes-vous confronté dans votre métier aujourd’hui ?
E. G. : Le métier de paysan consiste à s’adapter. On essaie de développer des sols plus résilients, avec une couverture végétale, pour résister aux changements climatiques qui sont notre grande préoccupation depuis 2011. La réalité technique peut faire peur, on a eu des échecs. C’est plus difficile à certains moments, c’est aussi plus simple à d’autres. Avec le temps, on a plutôt une meilleure résilience – sauf quand le gel est là. On construit une approche globale qui va permettre un meilleur fonctionnement du système, un équilibre différent dans les vins.
Propos recueillis par Anne-Laure Fournier
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