lundi 22 février 2021

Livre - Impressions d'Afrique - Raymond Roussel

 


Qu'on ne s'attende pas à un roman d'aventures, encore moins à des souvenirs de voyage : Impressions d'Afrique, paru en 1909, est un laboratoire d'expérimentation littéraire, où l'histoire commence au chapitre I ou au chapitre X, selon le choix du lecteur ; chaque mot en recèle un autre, chaque phrase contient en germe un roman à venir. Edmond Rostand, le premier, fut fasciné ; puis Marcel Duchamp - il dit s'en être inspiré pour La Mariée mise à nu -, Michel Leiris, André Breton, Georges Perec... Et pourtant, ce texte magistral, où les excès de l'imagination n'ont d'égal que l'extrême maîtrise de l'écriture, n'intéressa pas même les éditeurs, Roussel dut le publier à son compte. Est-ce l'œuvre d'un fou mystificateur ? d'un hermétiste ? d'un oulipien avant l'heure ? Peu importe. Comme l'écrivait Paul Reboux : " C'est un livre extraordinaire, ahurissant, cocasse, chimérique ; donc, ce n'est pas un livre indifférent. "

 Raymond Roussel 1870/1933 est un écrivain et poète dramatique français.

Une vie une œuvre


Ses premiers livres, La Doublure, La Vue, Impressions d'Afrique, ne rencontrent aucun succès. Tous ses autres livres, comme Locus Solus ou L'Étoile au front, seront perçus comme des œuvres déroutantes. En 1932, il fait paraître ses Nouvelles Impressions d'Afrique, suivies de 59 énigmatiques dessins à la plume d'Henri-Achille Zo.

Dans Comment j'ai écrit certains de mes livres (1935), Raymond Roussel explique les mécanismes de son écriture imaginaire, notamment basée sur l'homophonie. Son faible succès auprès de ses contemporains l'amena à publier à compte d'auteur, d'où le jeu de mots dans le titre de son ouvrage Impressions d'Afrique, à comprendre « impressions à fric », conformément aux mécanismes de construction/déconstruction du langage et du double sens employés dans ses ouvrages.
.Précurseur des surréalistes, admiré par André Breton, Jean Cocteau, Louis Aragon, Michel Leiris,Paul Éluard, ou Georges Perec, cet écrivain fut assez peu lu, compte tenu de la très grande complexité de ses ouvrages.

Raymond Roussel était un inventeur dans bien des domaines : dépôt d'un brevet sur l'utilisation du vide, formulation aux échecs de la méthode de mat dans le cas d'une finale Roi, fou et cavalier contre Roi seul, découverte d'un théorème mathématique, etc. Il a aussi été médaille d'or de tir au pistolet. Il est, d'autre part, l'oncle de Michel Ney.
Il se donna la mort à Palerme, où il séjournait, ruiné, malade, neurasthénique, toujours décrié par la critique et inconnu du grand public
 

 


Excentrique célébré par les surréalistes, l’écrivain Raymond Roussel, mort en 1933, a laissé une œuvre unique, sans personnages ni intrigue, basée uniquement sur le jeu avec les mots. Il est réédité chez Robert Laffont, et bientôt chez Pauvert.

1. Parce que sa vie est aussi mystérieuse que son œuvre

Raymond Roussel (1877-1933) est de ces écrivains qu’on appelle excentriques. Né dans un milieu cultivé, mais loin des cénacles littéraires, extrêmement riche, il multiplie toute sa vie durant les extravagances, voyageant en roulotte de luxe, regroupant tous ses repas quotidiens en un seul qui lui prend plusieurs heures et se termine par une soupe au chocolat…

Il souffre aussi d’une homosexualité encore clandestine, passe des heures chez son psychiatre après l’échec de son premier roman – échec relatif, car la presse s’y intéressa : il n’est même pas (hélas, estime-t-il) un artiste maudit… –, adapte ses délirants essais au theâtre, y provoque le scandale en déroutant le public, goûte à l’opium, devient champion d’échecs et meurt d’une overdose médicamenteuse dans un riche hôtel de Palerme.

Une éclairante préface de Patrick Besnier et Jean-Paul Goujon, qui ont établi cette édition de ses œuvres, nous apprend que celui qu’on considère aujourd’hui comme un rebelle, et qui fut salué par Marcel Duchamp et Salvador Dalí, ne rêvait en fait que d’une reconnaissance académique, celle qui fut réservée en son temps à Jules Verne et Edmond Rostand, et même à Victorien Sardou ou François Coppée. Et ses œuvres furent toutes publiées à compte d’auteur chez Alphonse Lemerre, éditeur voué aux poètes refusés partout ailleurs.

2. Parce que ce volume offre un ample panorama de ses écrits

Félicitons, pour cette initiative, la collection Bouquins des éditions Robert Laffont – qui semble de plus en plus être à la prestigieuse Pléiade de Gallimard ce que le Salon des refusés était au Salon officiel (une édition complète en plusieurs volumes est par ailleurs en cours de parution chez Pauvert). L’édition établie ici réunit deux romans en alexandrins ou en vers libres, La Doublure (1897) et La Vue (1903), un long poème en octosyllabes, Nouvelles Impressions d’Afrique (1932), deux pièces de théâtre, L’Étoile au front (1925) et La Poussière de soleils (1927) et ces chefs-d’œuvre de burlesque mécanique que sont Impressions d’Afrique (1909) et Locus solus (1914), les deux titres les plus connus de cette œuvre sans personnages et sans intrigue, entièrement vouée aux mots. Enfin, vient le livre posthume composé par Michel Leiris, Comment j’ai écrit certains de mes livres (1935).

3. Parce qu’il a voué sa vie au jeu avec les mots

Ses deux principaux textes reposent sur le même point de départ : la visite d’un spectacle, enchaînement de numéros de cabaret et de présentations de tours, sur la côte africaine dans Impressions d’Afrique, dans un parc futuriste dans Locus solus. Dans Comment j’ai écrit certains de mes livres, Raymond Roussel révéle qu’il travaillait en prenant une phrase et en conduisant le récit à son terme pour obtenir une autre phrase, homophonique de la première.

Ce tour, qui explique une recette sans montrer pourquoi le plat est bon, ne dit rien du charme extrême qui se dégage de ses récits emboîtés les uns dans les autres, épris d’inventions extravagantes et créant un monde qui n’existe (c’est rare…) que par lui-même. Le bonheur n’est d’ailleurs peut-être pas fini : en 1989, un don de neuf cartons à la Bibliothèque nationale de France a révélé des dizaines de pages d’inédits de Roussel, qui pourront un jour peut-être prolonger ce premier et réjouissant recueil.

 

 


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