Anna Akhmatova publie son premier recueil en 1912 et s’impose très tôt comme une virtuose de la petite forme lyrique. Classée comme « acméiste » ou « intimiste », elle est plus authentiquement quelqu’un qui cultive un style simple, rigoureux, d’un classicisme qui l’apparente à Pouchkine, même si chez elle toute idée d’imitation est exclue. Après la révolution d’Octobre, elle refuse d’émigrer, quoique suspecte aux autorités nouvelles qui vont, peu à peu, l’interdire de publication. En 1940, cette interdiction est momentanément levée et Anna Akhmatova publie plusieurs poèmes sur la guerre, mais non les textes qui lui tiennent le plus à cœur, comme Requiem ou les suites de poèmes brefs qui évoquent les arrestations massives et le goulag. À nouveau condamnée au silence dès la fin de la guerre, elle continue de composer pour elle-même des textes plus amples comme les « Élégies du Nord », et toujours des suites de textes brefs. Elle n’obtiendra jamais l’autorisation de donner au public un « septième livre » qui réunirait ses écrits récents et prendrait la suite des six recueils publiés dans sa jeunesse.
Cette anthologie aborde l’œuvre dans son entier. Elle puise dans les premiers livres, donne in extenso Requiem et le Poème sans héros, puis reprend à son compte un plan ébauché par la poétesse pour son fantomatique « Septième livre ». C’est tout le parcours d’Anna Akhmatova qui est ici restitué, c’est un demi-siècle de combat solitaire, acharné, douloureux, mais au final sans faiblesse, qui se révèle page à page. Une poésie fragile et souveraine qui, confrontée aux risques les plus grands, ne renonce jamais, et célèbre avec une rare intensité les pouvoirs d’une parole irréductible.
[RARE] Anna AKHMATOVA – Une Vie, une Œuvre : 1889-1966 (France Culture, 1990)
Résumé de France Culture :
On l'appelle "Anne de toutes les Russies", la "Sapphô russe", la "grande dame "... Pour le Bureau politique du Comité Central, elle fut pendant un temps la "nonne débauchée" : un visage, une voix - celle de la poésie même - et un destin lié à toutes les convulsions de l'Histoire. Peu d'écrivains auront suivi à ce point les torsions de l'histoire d'un pays. Après avoir été reçue membre des écrivains soviétiques en 1940, Anna Akhmatova en est exclue avec blâme, puis redevient sa présidente en 1964. Adurlé en Union Soviétique, ce n'est qu'après sa mort, en 1966, que le monde occidental la découvre. Poète ? Avant tout un visage et une voix. Un visage intense, aux traits aigus, une frange noire. Zamiatine évoque ainsi le portrait d'Akhmatova : « Que de tristesse, il y avait là ! Ils étaient comme une clé de musique qui permettaient d'entendre ce que disaient les yeux, le deuil de ses cheveux, les perles noires sur les peignes. » En 1910, à 21 ans, elle est la dernière à représenter "l'âge d'argent" de la littérature russe. "Le soir", "Le rosaire", "Requiem", "Le poème sans héros", sont des fulgurances poétiques qui puisent à la fois dans le quotidien et le dépassement de ce quotidien. Autour d'elle, la solitaire, des figures fortes de l'époque : Blok, Maiakovski, Mandelstam, Essénine.
Anna AKHMATOVA – RARE DOCUMENTAIRE en français sur la poétesse (1990)
Anna Akhmatova 1889-1966 (Анна Ахматова) est le nom de plume d'Anna Andreïevna
Gorenko (Анна Андреевна Горенко), une des plus importantes poétesses
russes du XXe siècle. Égérie des acméistes, surnommée la « reine de la
Neva » ou « l'Âme de l'Âge d'Argent », Anna Akhmatova demeure
aujourd'hui encore l'une des plus grandes figures féminines de la
littérature russe.
Fille d’un ingénieur de la marine, elle passe son enfance à Tsarskoïe
Sélo, alors lieu de résidence de l’aristocratie. Elle étudie le droit à
l’Université de Kiev puis la littérature et l’histoire à Saint
Pétersbourg. Très jeune, elle y fréquente salons et cafés littéraires,
publie des vers dans les revues.
Avec Goumilev, qu’elle épouse en 1910 (et dont elle se séparera en
1916), elle est l’une des fondatrices de l’école acméiste. Elle voyage à
plusieurs reprises en France et en Italie. De son mariage avec
Goumilev, elle aura un fils, Lev Goumilev qui deviendra un des plus
importants historiens russes, initiateur du «néo-eurasisme».
Ses premiers livres, Soir (1912), Chapelet (1914) rencontrent un accueil
fervent. Réservée à l’égard de l’inspiration idéologique de la
révolution, Akhmatova refuse cependant de suivre dans l’émigration ou
l’opposition, la plupart des écrivains de sa tendance. Dans les recueils
publiés au lendemain de la guerre civile (Plantains, Anno Domini
MCMXXI) s’expriment à la fois le sentiment tragique de l’écoulement d’un
monde et une confiance têtue dans les destinées de la nouvelle Russie.
En 1922, sa poésie est interdite de publication par les autorités
soviétiques. Elle continue toutefois à écrire et vit de traductions
(notamment celles de V. Hugo ou de R. Tagore).
La guerre de 1941-1945, voit son retour en grâce, elle est de nouveau
autorisée à publier, la guerre lui inspire des poèmes aux accents
patriotiques (Le Serment, Le Courage). Mais très vite elle est de
nouveau victime de la répression culturelle menée par Jdanov : en 1946
elle est radiée de l'Union des écrivains soviétiques pour « érotisme,
mysticisme et indifférence politique », elle fut réhabilitée en 1955.
Elle produit alors deux œuvres majeures Poème sans héros et, surtout,
Requiem dédié à la mémoire des victimes de la répression stalinienne.
Anna AKHMATOVA — Ultime hommage (France Culture, 2020)
Anna Akhmatova : une femme passionnée et une écrivaine immense à travers les guerres, la Révolution et la grande Terreur stalinienne. Son œuvre, ses chants d’amour et de désespoir, forment la plus pudique et la plus puissante des autobiographies. Mince, élancée et droite, fière, enveloppée dans un châle, Akhmatova ressemble à une gitane. "On dirait la tragédienne Rachel jouant Phèdre", dit son ami le poète Ossip Mandelstam. Elle a le nez busqué, les cheveux très noirs, elle est rarement souriante. On ne peut passer devant elle sans la remarquer. Son oeuvre, ses chants d’amour et de désespoir, forment la plus pudique et la plus puissante des autobiographies. Et, à travers elle, d’un demi-siècle russe sanglant et déchirant, d’un peuple torturé, d’une révolution trahie, de deux guerres, et d’une œuvre à qui reste le dernier mot. Autoportrait et portrait d’une époque. Un destin.
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