mercredi 10 février 2021

Film - 4-5 - Bliss - 2021

 

Bliss est un film américain réalisé par Mike Cahill, sorti en 2021.

Récemment divorcé, Greg, rencontre la délicieuse Isabel, une femme vivant dans la rue, convaincue que le monde sale autour d'eux n'est pas réel. Elle est persuadée qu'ils vivent dans cette situation négative à l'intérieur d'un autre vrai monde, beau et en paix. D'abord sceptique, Greg finit par changer d'avis.

    Owen Wilson : Greg Wittle, docteur Wittle
    Salma Hayek : Isabel Clemens, docteur Clemens
 

ENVIE DE BLISSER 

Le réel n’est plus ce qu’il était. Pire qu’une pandémie, plus déprimant qu’une armada de mesures sanitaires, un homme fraîchement divorcé comprend avec effroi que son existence pourrait n’être qu’une simulation. Réalité et illusion se mélangent, alors qu’il tente de démêler le vrai du faux, il s’enfonce un peu plus profondément dans un épais mystère. Voilà pour le point de départ de Bliss, qui se situe dès ses premiers instants dans l’étroite lignée des œuvres précédentes de Cahill.

 


Et c’est avec un certain plaisir qu’on retrouve quelques-uns de ses tropismes et notamment son amour d’une science-fiction aux antipodes de la recette éreintée par les blockbusters contemporains. Ici, il ne sera jamais question d’éviter une quelconque destruction spectaculaire, ou d’échapper à quelques cataclysmes numériques tels qu’on en a vu des milliers. Comme toujours, le cinéaste demeure rivé à ses personnages, et ce sont leurs états d’âme qui importent.


Écartelé entre deux rêves, Greg se demande ainsi à quoi il doit renoncer. La promesse de félicité d’Isabel ? L'amour de sa fille ? S’il ne peut distinguer le vrai du faux, si son cœur est aussi aisément manipulable, comment engager ses sentiments, et finalement, prendre soin des siens ? Sous ses airs de questionnement un peu guimauve, le récit délivre ses meilleurs moments, ses passages gentiment suspendus, quand ses protagonistes s’interrogent tout simplement sur le sens de leurs émotions, et redoutent que leurs souvenirs ne finissent dissous dans le flux de leurs existences. Un questionnement qui prolonge finalement celui du tragique Roy Baty dans Blade Runner et constitue une belle promesse dramatique.

CINÉMA BLISS


Malheureusement, Cahill ne joue pas tout à fait à domicile. Ses deux précédents longs-métrages, pour imparfaits et fragiles qu’ils soient, portaient clairement la marque de leur auteur et séduisaient par leur singularité. Mais Bliss se risque à un schéma plus référencé, celui de la simulation chère à Philip K. Dick  un terrain défriché par Matrix  et quantité de productions s’inspirant de l’héritage du romancier dément qui créa Ubik.

Dans Loterie solaire, Simulacres, Coulez mes larmes dit le Policier ou encore Le Dieu venu du Centaure, on retrouve toujours ces personnages de losers magnifiques, pathétiques et bouleversants, minés par un monde devenu fou, dans lequel ils se débattent pour trouver un semblant de sens.


 Mais les deux univers qui s'affrontent ici manquent singulièrement de fêlures. La grisaille de notre dimension, comme l'orgie de félicité ensoleillée hors de la matrice, semble également artificielle, et on n'y retrouve rien des décalages, des dissonances, qui rendent d'ordinaire ces propositions binaires charmantes. Si Bliss ne sombre jamais dans les mêmes proportions que L'Agence, il partage une partie de ses limites. Limites qui sont d'ailleurs incarnées par le casting lui-même. Pour excellente qu'elle soit, Salma Hayek apparaît bien trop puissante et sûre d'elle pour nourrir l'ambiguïté que le récit appelle de ses voeux, tandis que les maquilleurs forcent ridiculement le trait sur la mine déconfite d'Owen Wilson, qui est déjà au naturel une glorieuse allégorie du Prozac.

 

Par conséquent, le film de Cahill manque cruellement de trouble, de chair. Autant d'éléments qui auraient pu lui permettre d'aller plus loin qu'une bluette dont l'argument science-fictionnel demeure perpétuellement en surface, et auquel il manque l'ingrédient essentiel qui faisait l'intérêt des précédents efforts du metteur en scène : un amour de l'étrange qui pouvait l'exposer au bizarre, voire au ridicule, mais lui conférait une touchante humanité.

 

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