Assez tôt, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m'installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie.
J'ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal.
Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j'ai tâché d'être heureux.
Je crois y être parvenu.
Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie.
Et si la liberté consistait à posséder le temps ?
Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence - toutes choses dont manqueront les générations futures ?
Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu.
"- Tesson ! Je poursuis une bête depuis six ans, dit Munier. Elle se cache sur les plateaux du Tibet. J'y retourne cet hiver, je t'emmène.
-Qui est-ce ?
-La panthère des neiges. Une ombre magnifique !
-Je pensais qu'elle avait disparu, dis-je.
-C'est ce qu'elle fait croire."
Sylvain Tesson, Une liberté vertigineuse
Sylvain Tesson 1972 est un écrivain et voyageur français.
Géographe de formation, il est titulaire d'un DEA de géopolitique à l'Institut Français de Géopolitique. Il effectue en 1991 sa première expédition en Islande, suivie en 1993 d'un tour du monde à vélo avec Alexandre Poussin. C'est là le début de sa vie d'aventurier. Il traverse également les steppes d'Asie centrale à cheval avec l'exploratrice Priscilla Telmon, dont il fut le compagnon pendant de nombreuses années, sur plus de 3000 km du Kazakhstan à l’Ouzbékistan. En 2003-2004, il reprend l'itinéraire des évadés du goulag en suivant le récit de Slavomir Rawicz : "The Long Walk" (1955). Ce périple l'emmène de la Sibérie jusqu'en Inde à pied.
En 2010, il réalise un projet souvent évoqué auparavant, en allant vivre six mois (de février à juillet) en ermite dans une cabane au sud de la Sibérie, sur les bords du lac Baïkal. Il relate cette expérience solitaire dans son journal publié l'année suivante sous la forme d'un essai autobiographique intitulé : "Dans les forêts de Sibérie", qui est adapté au cinéma par Safy Nebbou en 2016.
Il écrit également des nouvelles, dans un registre poétique où souvent l'absurde des situations humaines est montré avec humour.
Il signe de nombreuses préfaces et des commentaires de films, et collabore à diverses revues.
Passionné d'escalade, il chute accidentellement d'une maison à Chamonix en août 2014, juste après avoir transmis à son éditeur le manuscrit de "Bérézina" et est placé en coma artificiel. Il a depuis retrouvé la santé. "Bérézina", qui sort en janvier 2015 (Prix des Hussards), conte le récit de son voyage en side-car sur les traces de la Grande Armée lors de la retraite de Russie. En 2016, il publie un récit autobiographique, "Sur les chemins noirs".
Contestataire dans l’âme, Sylvain Tesson porte un regard assez critique sur la société dans ses œuvres. Il est membre d'honneur de l'Institut de recherche sur les expériences extraordinaires (INREES) et président de La Guilde, une organisation non gouvernementale reconnue d'utilité publique, de 2007 à 2018.
Déjà récompensé en début de carrière par le prix spécial jeunes de l’IGN pour "On a roulé sur la Terre", il obtient en 2009 le prix Goncourt de la nouvelle pour "Une vie à coucher dehors". En 2011, c’est son essai "Dans les forêts de Sibérie" qui est récompensé du prix Médicis essai. En 2015, il reçoit enfin le prix de la Page 112 et le prix des Hussards pour "Berezina".
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