En 1198, alors que la chrétienté est ébranlée par la chute de Jérusalem
et par les appels à une réforme morale et religieuse, les cardinaux
élisent un nouveau pape sous le nom d Innocent III. Issu de la noblesse
romaine, théologien de renom et écrivain
spirituel, le jeune pontife il avait trente sept ans s engage aussitôt dans la lutte contre les abus. Il s attaque aux
contestations dans le clergé, aux débordements des princes laïcs contre
les prérogatives de l Église, et lance un nouveau projet de croisade.
Mais l ambitieux pontife est confronté à des multiples résistances et
jusque dans la ville de Rome. Esprit religieux peu à l aise dans les
tractations diplomatiques, il doit prendre position dans la guerre
civile en Allemagne, contre les rois de France et d' Angleterre et
assumer la guerre contre les hérétiques en Languedoc. Dès 1204, la
croisade qu il avait organisée lui échappe et s' empare de
Constantinople au lieu de libérer Jérusalem. Pourtant, en quelques
années, Innocent III parvient à réaffirmer l autorité de l Église
romaine, à étendre son influence politique et temporelle et à convoquer
le grand concile de Latran IV qui réforma en profondeur la vie
chrétienne. Il laisse à sa mort, en 1216, une papauté redressée, une
Église assainie, mais aussi compromise dans les affaires du temps.
Innocent III: l'apogée de la monarchie pontificale.
Dans une nouvelle série de nos [Cours d’Histoire], Arnaud Fossier
présente la réalité du pouvoir des papes et de l’Eglise à l’époque
médiévale, notamment dans ses rapports avec le pouvoir séculier et donc
le pouvoir des rois. Ce troisième et dernier volet est consacré à la
personnalité incontournable qu'était Innocent III. Arnaud Fossier,
interrogé par Christophe Dickès, répond aux questions suivantes:
- Pourquoi avoir choisi Innocent III, qui n’est sans doute pas le
personnage le plus célèbre du Moyen Âge, ni même de l’histoire de
l’Église, pour un large public ?
- Que dire de son parcours?
- Quelle conception se fait-il de son pouvoir et de sa mission, une fois
élu pape ?
- Mais de quel œil les États séculiers ont-ils perçu l’affirmation de ce
pouvoir ? Et plus largement quels furent les rapports d’Innocent III
avec les souverains de l’époque ?
- On ne peut être que frappés par la « modernité » de son gouvernement.
Dans quelle mesure est-il l’inventeur d’un État et d’une administration
particulièrement sophistiqués ?
- Innocent III est aussi le contemporain, et même le grand orchestrateur
du plus grand concile du Moyen Âge, à savoir celui de Latran IV (qui a
lieu en 1215, peu de temps avant sa mort). Dans quelle mesure ce concile
a-t-il littéralement transformé la société médiévale ? Et pouvez-vous
revenir sur l’œuvre plus proprement religieuse et pastorale d’Innocent
III ?
- Qu’a-t-il laissé, voire légué, à un pape comme Boniface VIII
(1294-1303), lui aussi connu pour ses élans théocratiques ? Et au-delà,
son modèle de pouvoir n’a-t-il pas été remis en cause à la fin du Moyen
Âge?
L’invité: Normalien et ancien membre de l’École française de Rome,
Arnaud Fossier est actuellement Maître de conférences en histoire à
l’université de Bourgogne. Ses recherches portent sur le gouvernement de
l’Église et l’Italie médiévale. Il a publié à l’Ecole française de
Rome: Le bureau des âmes, Écritures et pratiques administratives de la
Pénitencerie apostolique (XIIIe-XIVe siècle).
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