Relisant l’histoire du catholicisme au moyen d’une critique rationnelle, l’auteur apporte un regard dépassionné sur les grandes polémiques régulièrement agitées par les médias : la violence de l’Église, le dogmatisme, l’antisémitisme, l’islamophobie, l’attachement aux régimes autoritaires, le conservatisme moral. Il développe le fil chronologique du long parcours de l’Église, de son rôle dans la société et dans l’élaboration de la culture et de l’identité européennes.
Entre la tentation de l’apologie et celle de la polémique, se dessine une troisième voie où se révèle le génie historique du catholicisme et c'est cette voie qu'a voulu explorer l'historien Olivier Hanne dans son dernier livre, paru aux Éditions de L'Homme Nouveau, Le Génie historique du catholicisme.
Dans les débats publics autour du catholicisme, reviennent toujours les croisades, les guerres de Religion et l’Inquisition. Ces vieilles controverses historiques ne sont pas closes et l’on reproche encore à l’Église d’avoir promu la violence et les bûchers, de s’être opposée à l’intelligence, aux libertés individuelles…
Relisant l’histoire du catholicisme au moyen d’une critique rationnelle, l’auteur apporte un regard dépassionné sur les grandes polémiques régulièrement agitées par les médias : la violence de l’Église, le dogmatisme, l’antisémitisme, l’islamophobie, l’attachement aux régimes autoritaires, le conservatisme moral. Il développe le fil chronologique du long parcours de l’Église, de son rôle dans la société et dans l’élaboration de la culture et de l’identité européennes. En scrutant les deux millénaires d’Histoire, et particulièrement le Moyen Âge, l’ouvrage élargit le champ des débats, souligne les grandeurs apportées par l’Église et identifie les misères dont les chrétiens ont parfois été les acteurs.
Un travail de mémoire qui est aussi une réflexion historique sur le rôle de la religion chrétienne, un dialogue entre la foi et la raison.
Olivier Hanne est essayiste, agrégé et
docteur en histoire médiévale. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages
historiques et géopolitiques, il est professeur dans l’enseignement
supérieur.
"En perdant le catholicisme, ce n’est pas seulement le rapport au Christ qui est menacé, mais tout le rapport au monde"
Olivier Hanne, docteur et agrégé en Histoire, vient de publier "Le Génie historique du catholicisme". Il a bien voulu répondre aux questions du Salon Beige.
1) Votre livre est, d'une certaine façon, un antidote à la
fameuse "légende noire" du catholicisme. Y a-t-il vraiment matière à
être fiers de nos aïeux dans la foi ?
La légende noire de l’histoire catholique est une construction du XVIe
siècle, bâtie par les Réformés et les humanistes en indélicatesse avec
l’Eglise, puis relayée par les Lumières au XVIIIe siècle et enfin par
les historiens républicains au XIXe siècle. Depuis un siècle, cette
légende, pourtant invalidée ou nuancée par les sources, continue d’être
véhiculée, en raison d’une inculture historique générale, et parce que
les universitaires ne font plus leur travail de vulgarisation. Ainsi,
dès les années 1990, les chercheurs du CNRS et les spécialistes
d’histoire italienne ont remis en question l’image d’un pape Pie XII
pro-nazi, mais cette lecture apaisée du pontificat n’atteint plus
l’opinion publique.
Nos ancêtres ont assumé leur foi selon les conditions que la société,
l'Histoire et la Providence leur avaient données. La juste mesure du
passé est de jauger en fonction des critères moraux qui étaient les
leurs. Ainsi, les critiques contre l’Inquisition paraissent
singulièrement rares jusqu’au XVIe siècle, et il n’est pas sûr que les
médiévaux aient considéré les inquisiteurs comme des brutes ignobles. Le
pape Innocent III (1198-1216) souvent perçu comme un pontife de fer,
déclenchant la 4e croisade et la croisade des Albigeois, a souvent été
critiqué pour s’être fait duper par le roi de France.
2) La plus grosse erreur de l'historien est clairement
l'anachronisme. Cette erreur n'est-elle pas, pourtant, la plus commune
pour tous ceux qui se penchent sur l'histoire de l'Eglise pour la juger à
l'aune de nos critères ?
Ce qui est difficile à envisager pour nos contemporains est de parvenir à
regarder le passé sans les oeillères du manichéisme et du positivisme :
non, l’Histoire n’est pas une marche ascendante vers un progrès,
condamnant nos prédécesseurs à un état inférieur dans le développement
humain et moral. Finalement, nous sommes restés cruellement linéaires et
scientistes dans notre approche du temps, erreur que n’a jamais commise
l’Eglise : à toute époque, péché et grâce se mêlent, et la modernité
technique n’est jamais un gage de progrès spirituel.
Mais cette carence intellectuelle sur le passé se retrouve chaque jour
dans notre analyse du monde et de la géopolitique, ainsi concernant le
Moyen-Orient. L’anthropologie et la sociologie des années 1970-1980 ont
envahi toute notre approche du passé : les faits n’existent que par le
regard qu’on leur porte, et tout n’est que représentation et
manipulation du pouvoir. Louis XIV n’intéresse l’historien que par
l’image qu’il renvoie du pouvoir monarchique, et non pas par sa
législation ou ses actes. Mais en niant ainsi le réel, l'intellectuel
est vite prisonnier de ses propres fantasmes et de ses opinions, il
devient lui aussi un instrument au service des médias : le siège d’Alep
importe moins que ce qu’on en dit ; si l’Eglise développe l’action
caritative au Moyen-Âge, ce n’est pas pour aider les pauvres, mais pour
les contrôler, et tous les faits sont ainsi réinterprétés...
3) Votre livre est titré "Le génie historique du catholicisme".
Comment, dans l'histoire, définiriez-vous l'apport du catholicisme à
l'humanité en général et à l'Europe en particulier ?
L’aspect le plus évident est que le christianisme a apporté le Christ,
mais il y a un apport plus spécifique du catholicisme, c’est la
révélation du Christ à travers une double incarnation de civilisation :
la foi intérieure et la culture gréco-latine. Le catholicisme a éduqué
les peuples qu’il a convertis à l’intériorité, au retour sur soi,
propice à la découverte de Dieu, mais aussi à moyen terme à l’éclosion
de la conscience. Il a aussi fait fructifier la culture millénaire
grecque et latine et l’a portée à son plein épanouissement à travers la
philosophie, la théologie, le droit, les belles lettres, une pratique
spécifique du pouvoir.
4) L'Eglise a beaucoup aidé la civilisation européenne à
découvrir la dignité de la personne humaine. En abandonnant ses racines
chrétiennes, l'Europe ne risque-t-elle pas d'abandonner ce souci de la
dignité humaine qui a fait sa grandeur ?
Bien sûr. Le catholicisme a transmis à l’Europe un christianisme
hellénisé, c'est-à-dire une foi indissociable d’une doctrine
rationnelle, de l’amour de l’étude et de la connaissance, qui attachent
la personne au contrôle de soi et de ses passions. En perdant le
catholicisme, nous voyons combien nos contemporains ont du mal à
argumenter leurs convictions, à justifier leur foi par une parole libre
et raisonnable, ainsi qu’à maîtriser leurs pulsions. Ce n’est pas
seulement le rapport au Christ qui est menacé, mais bien tout le rapport
au monde et à soi-même.
5) La mission de l'Eglise est de transmettre la foi. Pourtant,
de cette transformation est née une civilisation (et même plusieurs, car
la civilisation européenne n'est pas la sud-américaine, ni la
nord-américaine…). Est-ce une sorte de paganisation, comme la Réforme en
a volontiers accusé la Chrétienté médiévale, ou simplement une
irrigation de la foi dans tous les actes de la vie?
La Chrétienté médiévale est atteinte au XIIIe siècle lorsque le droit
canon et les sacrements rayonnent dans toute la société, faisant de
l’Eglise l’institution la plus normative, au sens où c’est elle qui
génère les normes de la vie quotidienne, avant même les monarchies. Mais
cet apogée ne dura pas au-delà du XIIIe siècle, puisque l’étape
suivante fut la fondation des nations. On a peine à imaginer à quel
point nous sommes loin de cette Chrétienté unitaire et universelle. A
l’époque, l’identité nationale ne se pose pas : vous avez en pleine
France des évêques qui sont d’origine italienne, allemande ou anglaise. A
l’époque, la première marque identitaire des personnes est celle du
baptême. Mais ce système social unique, garanti par la papauté, était
trop vaste, trop contesté pour pouvoir durer.
6) Il est d'usage d'opposer l'Eglise et la science. Vous
affirmez qu'au contraire, la science moderne doit beaucoup au
catholicisme. N'est-ce pas pousser un peu loin le goût du paradoxe et
de la provocation ?
Nullement, puisque l’écrasante majorité des hommes de science entre le
XIe et le XVIIe siècle sont des religieux ou des clercs ; leurs
recherches sont permises par leur éducation catholique, elle aussi
religieuse, assurée par les congrégations ou les jésuites. Leur capacité
à énoncer, critiquer et synthétiser est une compétence puisée dans
l’école catholique. Le goût de l’expérimentation leur venait de la
redécouverte d’Aristote et de son officialisation à travers le thomisme.
Si le réel est porteur d’idées divines, alors l’observation de ce réel
devient une découverte de Dieu. De la même façon, lorsque les mouvements
mendiants, comme les franciscains, renoncent au couvent ou au monastère
pour une vie d’itinérance, de pauvreté et de souffrance, ils expriment
combien le quotidien le plus trivial est porteur de sainteté. Le XIIIe
siècle est le grand siècle du réel, qui ouvre la porte sur l’expérience,
et donc sur les sciences modernes.
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