« Germinal » : que vaut cette adaptation de Zola primée à Séries Mania ?
Récompensée par le prix du public au Festival Séries Mania de Lille, cette nouvelle adaptation se veut plus moderne. Moins classique. Pari audacieux !
Que France Télévisions s’attaque au Germinal de Zola, sur le papier, c’est quasi un non-événement. On est d’ailleurs presque étonnés que ça n’ait pas encore été fait, tant le défi correspond parfaitement au cahier des charges du service public. Pourtant, cinquante-huit ans après le film d’Yves Allégret, trente ans après celui de Claude Berri, le festival Séries Mania a déroulé le tapis rouge aux équipes de cette mini-série de six épisodes, fruit d’une ambitieuse coproduction entre Banijay, la RAI italienne et pour la toute première fois de sa courte existence la plateforme Salto.
Aux commandes de cette fiction, véritable fer de lance de la rentrée de France 2, David Hourrègue, réalisateur de Skam France (France TV Slash), chargé de redonner vie au combat des « gueules noires » de la fin du XIXe siècle. Un sacré défi doublé d’un autre objectif, de taille : moderniser ce monument de la littérature. Un travail de titan au résultat somme toute convaincant. Et récompensé par le prix du public hier soir au festival Séries Mania de Lille.
L’histoire de Germinal, écrit en 1885,on la connaît tous, plus ou moins. Certains pour l’avoir lue, d’autres pour avoir feuilleté à la volée Le profil d’une Œuvre qui lui était consacré en fin d’année scolaire. Le jeune Étienne Lantier, débarqué en pleine nuit aux mines de Montsou, fait la connaissance des Maheu, une famille de mineurs. Prenant conscience à leur contact des terribles conditions de vie des « gueules noires » entre coups de grisou et coups du sort, il va prendre la direction d’un mouvement de révolte à l’issue tragique.
Pourquoi ? Pourquoi proposer en 2021 une nouvelle version de Germinal ? C’est la question qui a taraudé David Hourrègue, le réalisateur de cette mini-série de 6 épisodes déjà disponible sur la plateforme Salto. Une question qu’il a posée à d’anciens mineurs qu’il s’est empressé d’aller rencontrer, une fois aux commandes du projet. « Tous m’ont dit la même chose, chacun à leur façon : Oui, pourquoi pas ? Mais pas de la même manière. Il faut faire honneur à la dignité, à l’esprit de corps des mineurs et mettre en valeur la dangerosité de leur travail… Sacré mantra ! » nous explique-t-il.
Sacré défi en tout cas pour lui, mais aussi pour Julien Litil, son scénariste (on lui doit le film et la série Hippocrate), placé pour l’occasion à la tête d’un pool de six auteurs. Tous se sont évidemment replongés dans ce pavé étudié sans conviction au collège ou au lycée, auquel ils avouent, un peu crânement, n’avoir pas tellement prêté toute leur attention d’adolescent. Après lecture, ils ont accepté d’un commun accord le cahier des charges fixé par France Télévisions, à savoir « dépoussiérer » ce mastodonte de la littérature pour lui donner une couleur plus actuelle. Plus jaune, plus « Gilets jaunes » peut-être ? Oui, concède-t-on dans les équipes, sans pour autant revendiquer clairement le lien, préférant insister sur la volonté de respecter « monsieur Zola ».
Opération dépoussiérage
« Dépoussiérer Zola », la belle affaire ! « Ma priorité était d’abolir toute distance trop respectueuse vis-à-vis des personnages pour ramener le public vers eux. Si vous descendez dans la rue, que vous demandez aux gens s’ils ont envie de voir une nouvelle version de Germinal, je pense que 9 personnes sur 10 vous répondront que non… Le seul moyen pour moi de redonner du souffle à ce monument, c’était de sortir des archétypes, des poncifs, d’éviter ce misérabilisme qui empêche toute forme d’identification », explique David Hourrègue.
Aux commandes de cette fiction, véritable fer de lance de la rentrée de France 2, David Hourrègue, réalisateur de Skam France (France TV Slash), chargé de redonner vie au combat des « gueules noires » de la fin du XIXe siècle. Un sacré défi doublé d’un autre objectif, de taille : moderniser ce monument de la littérature. Un travail de titan au résultat somme toute convaincant. Et récompensé par le prix du public hier soir au festival Séries Mania de Lille.
L’histoire de Germinal, écrit en 1885,on la connaît tous, plus ou moins. Certains pour l’avoir lue, d’autres pour avoir feuilleté à la volée Le profil d’une Œuvre qui lui était consacré en fin d’année scolaire. Le jeune Étienne Lantier, débarqué en pleine nuit aux mines de Montsou, fait la connaissance des Maheu, une famille de mineurs. Prenant conscience à leur contact des terribles conditions de vie des « gueules noires » entre coups de grisou et coups du sort, il va prendre la direction d’un mouvement de révolte à l’issue tragique.
Pourquoi ? Pourquoi proposer en 2021 une nouvelle version de Germinal ? C’est la question qui a taraudé David Hourrègue, le réalisateur de cette mini-série de 6 épisodes déjà disponible sur la plateforme Salto. Une question qu’il a posée à d’anciens mineurs qu’il s’est empressé d’aller rencontrer, une fois aux commandes du projet. « Tous m’ont dit la même chose, chacun à leur façon : Oui, pourquoi pas ? Mais pas de la même manière. Il faut faire honneur à la dignité, à l’esprit de corps des mineurs et mettre en valeur la dangerosité de leur travail… Sacré mantra ! » nous explique-t-il.
Sacré défi en tout cas pour lui, mais aussi pour Julien Litil, son scénariste (on lui doit le film et la série Hippocrate), placé pour l’occasion à la tête d’un pool de six auteurs. Tous se sont évidemment replongés dans ce pavé étudié sans conviction au collège ou au lycée, auquel ils avouent, un peu crânement, n’avoir pas tellement prêté toute leur attention d’adolescent. Après lecture, ils ont accepté d’un commun accord le cahier des charges fixé par France Télévisions, à savoir « dépoussiérer » ce mastodonte de la littérature pour lui donner une couleur plus actuelle. Plus jaune, plus « Gilets jaunes » peut-être ? Oui, concède-t-on dans les équipes, sans pour autant revendiquer clairement le lien, préférant insister sur la volonté de respecter « monsieur Zola ».
Opération dépoussiérage
« Dépoussiérer Zola », la belle affaire ! « Ma priorité était d’abolir toute distance trop respectueuse vis-à-vis des personnages pour ramener le public vers eux. Si vous descendez dans la rue, que vous demandez aux gens s’ils ont envie de voir une nouvelle version de Germinal, je pense que 9 personnes sur 10 vous répondront que non… Le seul moyen pour moi de redonner du souffle à ce monument, c’était de sortir des archétypes, des poncifs, d’éviter ce misérabilisme qui empêche toute forme d’identification », explique David Hourrègue.
Autre leitmotiv cher au réalisateur : ne pas céder à une vision trop manichéenne des personnages. « Je voulais par exemple que l’on puisse aussi par moments avoir de l’empathie pour Hennebeau, le patron de la mine, et c’est la raison pour laquelle je suis allé chercher pour l’incarner Guillaume de Tonquédec [loin de la légèreté de ce cher Renaud Lepic de la série Fais pas ci, fais pas ça]. Il fallait que l’on s’attache à ce personnage, aussi cynique soit-il. Idem pour Chaval [Jonas Bloquet], le jeune mineur, qui dans le roman est l’archétype de l’homme violent. Pour moi, il devait représenter davantage que ce prédateur : il fallait qu’il soit un homme de son temps, un homme pour qui « ou tu possèdes, ou tu meurs », un homme qui se bat pour survivre, un bon camarade, un bon compagnon une fois au fond de la mine. »
Quant à Étienne Lantier, le héros du livre, le fils illégitime de Gervaise qui prend la tête du mouvement de révolte des mineurs, David Hourrègue insiste : lui non plus n’est pas exempt de défauts. « Ce n’est pas Luke Skywalker. Il est profondément imparfait. Mais c’est un leader charismatique qui prend peu à peu conscience de sa capacité à réunir les foules. Et c’est ce qui m’intéressait dans cette figure de la littérature. » Une réussite, en l’occurrence. L’acteur qui l’incarne, Louis Peres, inconnu du grand public, parvient à l’extirper de l’image un peu trop classique du meneur aveuglé par sa lutte. Pari réussi.
Une autre Maheude
Ce nouveau Germinal prend aussi quelques libertés, en laissant plus de place à certains personnages, secondaires dans le roman. Notamment aux femmes. Toujours par souci de coller davantage à notre époque. Mais pas seulement. « Je me suis renseigné pour mieux comprendre le rôle des femmes dans les corons. Elles descendaient elles aussi dans les mines avec tous les risques que cela comportait, sans jamais évoquer les violences qu’elles subissaient dans les ténèbres. » Parmi elles, la Maheude, figure tutélaire de la littérature de cette fin du XIXe siècle, incarnée ici par la frêle Alix Poisson.
La comédienne reconnaît s’être posé des questions, pensant a priori ne pas correspondre à la représentation idéale de cette mère de famille corpulente qui va conjuguer sa colère aux revendications des siens. « Adapter Zola, je me suis d’abord dit que c’était très très casse-gueule parce qu’il ne fallait pas tomber dans la reconstitution fossilisée d’une œuvre classique. La lecture du scénario m’a non seulement rassurée, mais elle m’a emballée. Parce que, sans trahir Zola, cette version parle aussi d’aujourd’hui… » s’enthousiasme Alix Poisson.
Sa Maheude n’est d’ailleurs ni celle du roman ni celle gravée dans l’imaginaire collectif. C’est une mère qui cherche avant tout à nourrir sa famille, brûlée par une force intérieure, qui va au fur et à mesure des épisodes prendre une dimension sacrificielle sans jamais basculer dans le larmoyant.
Faire du Zola ou pas
Certes, faire Germinal sans « faire du Zola » se révèle impossible. Difficile de ne pas laisser entrer dans les rouages d’une série, surtout quand elle est destinée au grand public, quelques poncifs inhérents au genre du drame social. Pourtant, la « modernité » de cette version, mot ô combien galvaudé, comme aime à le rappeler très justement David Hourrègue, est ailleurs. Pas spécialement dans le parti pris de confier à Sami Bouajila le rôle de Deneulin, ce directeur de mine soucieux du bien-être de ses employés, ou à l’acteur noir Steve Tientcheu celui de Rasseneur, l’ancien mineur devenu cabaretier, histoire de rendre le propos plus actuel.
Non, elle tient davantage au choix délibéré de ne pas jouer à tout-va la carte du tire-larmes, de nous donner à voir des destins que l’on sait d’ores et déjà brisés sans appuyer là où ça fait mal. Que ce soit dans les éclairages à la bougie salissant un peu les images traditionnellement proprettes des adaptations télé, dans les dialogues, où silences et économie de mots cohabitent avec les regards qui en disent long (quitte parfois à en abuser).
Un Germinal flambant neuf, donc, tout en sobriété relative, loin de la grandiloquence de celui, plus agaçant, de Claude Berri, qui, sans casser pour autant les codes de la fiction estampillée « service public », modernise prudemment le Zola de nos années lycée, avec le sentiment rassurant, à défaut d’être légitime, que l’auteur lui-même aurait sans doute donné son assentiment.
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