mardi 13 avril 2021

Film - 5.5/5 - Silence - 2016

 

Silence est un film historique américano-mexicano-taïwanais réalisé par Martin Scorsese, sorti en 2016.

Au Japon, au XVIIe siècle, des missionnaires jésuites portugais sont victimes de persécution religieuse en se rendant sur les traces de leur mentor au Japon.  

    Andrew Garfield (VF : Donald Reignoux ; VQ : Gabriel Lessard) : le père Sebastião Rodrigues (basé sur le missionnaire jésuite Giuseppe Chiara (en))
    Liam Neeson (VF : Frédéric van den Driessche ; VQ : Éric Gaudry) : le père Cristóvão Ferreira
    Adam Driver (VF : Valentin Merlet ; VQ : Adrien Bletton) : le père Francisco Garupe

 

« Silence », de Martin Scorsese : il était une foi au Japon


Le réalisateur raconte le destin cruel et complexe de deux prêtres jésuites en butte à la persécution des chrétiens de l’Archipel. 

Silence est un film à la fois douloureux et apaisé, l’œuvre d’un homme qui s’est résolu au silence du titre, et s’est résolu à ce que le cinéma lui tienne lieu de foi religieuse. Adapté d’un roman de l’écrivain catholique japonais Shusaku Endo paru en 1966, découvert à la fin des années 1980 par Scorsese alors qu’il tenait le rôle de Vincent Van Gogh dans Dreams, d’Akira Kurosawa, Silence se situe à la fin de la grande persécution des chrétiens du Japon par les autorités féodales, aux XVIe et XVIIsiècles.


La première séquence montre un prêtre jésuite, Cristovao Ferreira (Liam Neeson), forcé d’assister au supplice de ses confrères missionnaires et de leurs ouailles, ébouillantés par l’eau de sources chaudes afin d’obtenir leur apostasie. Cette image infernale n’est que la première d’une longue série.

Car les deux jeunes prêtres envoyés au Japon pour retrouver la trace du père Ferreira, dont la rumeur venue d’un pays désormais fermé aux étrangers dit qu’il a lui aussi renié sa foi, vont être sans cesse confrontés à la violence systématique et ritualisée à laquelle sont soumis les quelques chrétiens qui ont survécu à la répression.


Sebastiao Rodrigues (Andrew Garfield) et Francisco Garupe (Adam Driver) sont jetés à la côte près d’un village qui abrite l’une de ces communautés résiduelles. L’accueil que leur font les paysans évoque forcément celui que l’on fait, dans les Evangiles, au Messie.


Il manque aux jeunes gens la conviction d’être vraiment ceux qu’on attendait. Pendant que Garupe se raidit face au danger et adopte une attitude quasi suicidaire, Rodrigues est peu à peu envahi par le doute, comme le Christ l’était dans La Dernière Tentation, que Scorsese mit en scène juste avant de lire Silence pour la première fois.

 


La foi du jésuite ne se fêle pas seulement sous les coups de la répression. Face à lui, il trouve des interlocuteurs redoutables. Un vétéran de la lutte contre le christianisme que les chrétiens ont surnommé « l’inquisiteur ». Ce sera la seule mention dans le film des pratiques de l’Eglise catholique à l’encontre de ses propres dissidents, mais elle éclaire tout le film.

D’autant que l’acteur qui incarne ce grand ordonnateur des supplices, Issei Ogata, donne à son personnage une subtilité, une puissance rhétorique qui l’élève très au-dessus de sa condition de tortionnaire pour en faire la réponse rationnelle du pouvoir séculier face à la menace de désordre que porte une foi étrangère.

Réflexion angoissée


L’inquisiteur reçoit bientôt le renfort d’un interprète auquel Asano Tanadobu – jadis interprète d’élection de Kiyoshi Kurosawa – prête une séduction presque irrésistible. Face à ces partenaires, Andrew Garfield se fait parfois presque transparent, c’est sans doute le talon d’Achille du film, une faiblesse qui se fera encore plus évidente lorsque le personnage du père Ferreira réapparaîtra pour la dernière demi-heure du film.

 


En attendant, tandis que le prêtre catholique voit les fidèles japonais martyrisés sous ses yeux sans autre possibilité de les sauver que de renier sa foi, il se glisse dans Silence une autre réflexion angoissée. Martin Scorsese a raconté son effroi lorsqu’il entendit les spectateurs de l’une des premières projections de Taxi Driver applaudir le massacre final.

Le père Rodrigues, voyeur contraint de la souffrance des autres, est invité par le canon catholique à y trouver des raisons d’espérer. Après tout, ces malheureux ne sont-ils pas en train de gagner leur place au paradis ? Scorsese lui-même, en montrant ces corps crucifiés battus par les vagues, brûlés dans des nattes de paille de riz auxquelles on a mis le feu, saignés goutte à goutte pour que la souffrance n’ait pas de fin, n’est-il pas lui-même le metteur en scène d’un spectacle propre à satisfaire les pulsions plus ou moins refoulées du spectateur de cinéma, toujours prêt à se transformer en tricoteuse au pied de l’échafaud ?

 

 

 

 

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