samedi 10 avril 2021

Livre - Revue - « Faire l’Histoire » - Paulin Ismard

 


Contrôler les élus en les ostracisant, Athènes Ve siècle 

Dans la Grèce antique, gare à celui dont le nom est gravé sur un ostracon ! Il signifie votre bannissement et vous envoie hors des murs de la cité pour une période de 10 ans.  

Dans le nouveau magazine d’Arte consacré à l’histoire, intitulé sobrement « Faire l’Histoire », Paulin Ismard retrace l’histoire de l’ostracon (ou ostrakon), un objet de rien en apparence, un disque de 20 cm, mais fondamental dans le fonctionnement de la vie politique de la Grèce ancienne. L’ostracon est donc un déchet précieux, un fragment de poterie, qui nous raconte comment les Grecs dans l’Antiquité s’assuraient que leurs élus s’engagent à remplir correctement leurs fonctions. C’est sur ce morceau d’argile qu’était inscrit le nom de celui qui avait fauté, une inscription synonyme d’ostracisation, l’expulsion et l’exil de ceux qui avaient mal gouverner ou qui avaient montré un comportement jugé inapproprié. L’histoire de la sanction politique à Athènes au Ve siècle.  

« l’ostracisme nous rappelle qu’au cœur du fonctionnement de la démocratie athénienne il y a l’idée de ce peuple souverain qui exerce un contrôle absolu sur sa classe dirigeante. Etudier l’ostracisme et plus largement la démocratie athénienne c’est faire l’expérience d’une dissonance entre ce qu’a été la démocratie ancienne et notre propre conception de la démocratie. » Extrait du magazine « Faire l’Histoire », Arte. 

La démocratie, lorsqu’elle s’invente au Ve siècle avant notre ère à Athènes, se construit contre la possibilité du retour de la tyrannie. Contrôler ceux qui gouvernent est alors devenu un enjeu majeur du fonctionnement du régime. Les magistrats de l’ecclesia, l’assemblée de 30 000 citoyens qui légifèrent, votent chaque année en janvier, pour décider si certains Athéniens méritent une sanction pour leur comportement nuisible à la démocratie dans l’année passée.  Lorsqu’un citoyen mérite une sanction, il est exclu de la cité, son nom gravé sur un tesson, ce qui lui indique la porte de sortie pour dix ans sans possibilité de se défendre. Pour autant, une fois passée cette période d’exil, il peut revenir, et retrouver ses biens, ses propriétés et sa place dans la société. L’ostracisation est un contrat à durée déterminée. En cas de nécessité, danger imminent ou expertise requise, la cité se réserve le droit de les rappeler avant la fin de cette peine d’éloignement. Dans les années 480, Aristide, le champion de la bataille de Platées contre l’empire perse, est ainsi rappelé alors qu’il est ostracisé depuis trois ans, pour conduire les troupes athéniennes pendant la Deuxième guerre médique. Au Ve siècle athénien, on ostracise beaucoup : 13 000  tessons inscrits ont été retrouvés dans l’Agora par les archéologues. Ils sont très nombreux à subir cette procédure de répression qui disparait dans son application au IVe siècle, mais pas sa puissance de dissuasion sur les élites qui voudraient se soustraire aux principes démocratiques, toujours « sous la menace du pouvoir déterminant du peuple sur sa classe dirigeante ».  

L’ostracisation est brutale, parfois même infamante. Sur certains ostraca, on trouve des images typiques, de serpents ou encore de chiens, qui représentent la laideur des vices punis. L’ordre de quitter la cité se fait parfois très direct. On trouve l’équivalent d’un très franc « Casse-toi !» sur l’ostracon d’un certain Simon, fils d’un homme politique de premier plan, accusé d’entretenir des relations incestueuses avec sa sœur Elpiniké, elle aussi priée de plier bagages. Les mœurs étaient pleinement intégrées à la liste des vertus citoyennes exigées en démocratie. 

 

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