En racontant pour la première fois comment elle est devenue Virginie Despentes, l'auteur de Baise-moi conteste les discours bien-pensants sur le viol, la prostitution, la pornographie. Manifeste pour un nouveau féminisme.
Virginie Despentes: King Kong Théorie / Théâtre de l'Atelier
Vanessa Larré adapte au théâtre l’essai féministe de Virginie Despentes "King Kong Théorie". Sur la scène du théâtre de l'Atelier, trois comédiennes Anne Azoulay, Marie Denarnaud et Valérie de Dietrich communiquent l'intensité de la révolte de l'autrice face à une société dominée par les hommes.
Onze ans avant l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo, Virginie Despentes publiait son premier essai, autofiction pro-pornographie et pro-prostitution dans lequel elle analyse les mécanismes de la domination masculine. Un texte crucial, à mettre entre toutes les mains.
C’est un essai qui commence comme un morceau de rap. « J’écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf. » King Kong Théorie, le sixième livre et premier essai publié par Virginie Despentes, est un manifeste féministe moderne et ravageur qui dynamite l’ordre social tenant le corps des femmes à disposition des hommes. A partir de son expérience personnelle – une jeunesse qu’elle qualifie de « virile » dans les milieux punk, un viol à 17 ans, une période de prostitution, avant le succès avec son premier roman Baise-moi –, l’écrivaine et réalisatrice nancéienne esquisse en 150 pages incisives une figure de femme en inadéquation avec les normes de genre.
« Avec King Kong Théorie, Virginie Despentes, jusque-là romancière, théorise sa pensée féministe, analyse Delphine Naudier, sociologue et chargée de recherche au CNRS, qui a étudié l’histoire sociale des mouvements féministes. Sa démarche consiste à prendre pour objet une expérience de vie des femmes, le viol, dont elle fait un événement fondateur, de la même manière qu’Annie Ernaux a érigé l’expérience de l’avortement en “événement” existentiel dont l’épreuve intime est universalisable. » Le viol, écrit Despentes, « est la guerre civile, l’organisation politique par laquelle un sexe déclare à l’autre : “Je prends tous les droits sur toi, je te force à te sentir inférieure, coupable et dégradée.” » Delphine Naudier poursuit : « Elle rejoint sous certains aspects l’une des tendances du mouvement féministe des années 1970 en France, qui a analysé les mécanismes du système patriarcal et déconstruit les modes d’appropriation du corps des femmes qui conduisent à leur assujettissement politique, économique et sexuel. En cela, sa critique du capitalisme et ses positions antinaturalistes [qui s’éloignent de la simple différenciation biologique des sexes, ndlr] la rapprochent des théoriciennes féministes matérialistes comme Christine Delphy ou Monique Wittig, qui avancent que la domination des femmes s’opère par des pratiques matérielles, dans le cadre domestique ou social. »
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