C'est le long et chaud été de 1944 dans le quartier Weequahic de Newark. La plupart des jeunes hommes du pays sont engagés à l'étranger, mais Bucky Cantor, un muscle-bound, instructeur de 23 ans PE, est coincé à la maison à cause de ses yeux louches. Au lieu d'aider son pays dans la lutte contre Hitler, son travail pour l'été est de superviser le bien-être d'un groupe d'enfants, en tant que directeur de l'un des terrains de jeux de la ville. C'est à peine le rôle glorieux qu'il voulait pour lui-même, mais Bucky, qui a un sens profond de l'honneur, se rapproche de ses fonctions - du moins au début - avec un dévouement inlassable.
1/4 Philip Roth : Indestructiblement heureux (2016 - La compagnie des auteurs / France Culture)
Philip Roth 1933-2018, "Némésis" (2010) : la culpabilité face au mal
A l’été 1944, Bucky Cantor a 23 ans. Il vit à Newark, aux Etats-Unis. Malgré ses grandes aptitudes physiques et son corps de gymnaste, il n’a pas pu rejoindre les corps armés mobilisés pour la Seconde Guerre mondiale, à cause de sa très mauvaise vue. Il se retrouve alors directeur des terrains de jeux sportifs de Weequahic, quartier juif de la ville. Honteux de ne pas pouvoir participer à l’effort de guerre, il se retrouve pourtant en première ligne d’un tout autre front : une épidémie de poliomyélite. Touchant principalement les enfants, elle frappe de plein fouet l’entourage de Bucky. Quand elle ne tue pas, la polio atrophie les membres de ses victimes, les rendant lourdement handicapés. Comment accepter un tel drame ? Dans Némésis, dernier roman de sa carrière, Philip Roth épluche les émotions suscitées par la fureur d’une épidémie. Aussi interroge-t-il les réactions de Buck, ce héros, dégoulinant de loyauté et assoiffé de réponses, face à la “tyrannie de la contingence”. Comment mesurer sa culpabilité face à un mal invisible, qui décloisonne toute rationalité ? L’épidémie est-elle le fait d’une Némésis, du nom de cette déesse de la mythologie grecque qui châtie l’excès, la démesure et l’orgueil ?
"Tous ses amis sont terrifiés, dit Mr Michaels. Ils sont terrifiés à
l’idée qu’il la leur a passée et que maintenant ils vont avoir la polio
aussi. Leurs parents sont dans tous leurs états. Personne ne sait quoi
faire. Qu’est-ce qu’on peut faire ? Qu’est-ce qu’on aurait dû faire ? Je
me creuse la cervelle. [...] Y a-t-il un garçon qui ait pris plus grand
soin de sa chambre et de ses affaires et de lui-même qu’Alan ? Tout ce
qu’il faisait, il le faisait bien du premier coup. Et toujours content.
Toujours prêt à plaisanter. Alors pourquoi est-il mort ? Y a-t-il une
justice là-dedans ?
- Il n’y en a aucune, dit Mr Cantor.
- Vous faites tout bien et tout bien et encore tout bien, depuis
toujours. Vous vous efforcez d’être quelqu’un de réfléchi, de
raisonnable, de vous montrer conciliant, et puis voilà ce qui arrive.
Quel sens peut bien avoir la vie ?
- On a l’impression qu’elle n’en a pas, répondit Mr Cantor.
- Où est la balance de la justice ? demanda le pauvre homme.
- Je n’en sais rien, Mr Michaels.
- Pourquoi est-ce que la tragédie frappe toujours les gens qui le méritent le moins ?
- Je ne connais pas la réponse, répondit Mr Cantor.
- Pourquoi pas moi plutôt que lui ? "P. Roth, Némésis
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