En 1936, soixante-quatre ans après la parution des aventures de Phileas
Fogg et de Passepartout, Jean Cocteau et Marcel Khill endossent le rôle
des deux héros le temps d'un reportage qui les mènera autour du monde :
«Il s'agissait de partir sur les traces des héros de Jules Verne pour
fêter son centenaire et flâner quatre-vingts jours. [...] ces fameux
quatre-vingts jours étaient une réalité avant la lettre, un rêve de
Jules Verne, au même titre que ses phonographes, ses aéroplanes, ses
sous-marins, ses scaphandriers. Tout le monde y croyait à cause de la
force persuasive des chefs-d'œuvre.»
Passent quatre décennies. En exergue de La Vie mode d'emploi, « romans»
total et tentative d'épuisement du monde réel, Georges Perec place en
1978 le titre d'un chapitre de Michel Strogoff, «Regarde de tous tes
yeux, regarde».
Une maison, un artiste - Jules Verne, un visionnaire dans la Maison à la Tour (2019)
Passent encore quatre décennies. Ces romans de Verne continuent de faire
rêver – mais à quoi? Leur auteur se posait déjà la question. Les
premiers Voyages extraordinaires entraînaient le lecteur vers l'inconnu.
Sur un globe rétréci par la rapidité des communications, que reste-t-il
à explorer? Dans une lettre de 1883 à Hetzel, Verne déclare : « je
tends à corser le plus possible ce qui me reste à faire de romans et en
employant tous les moyens que me fournit mon imagination dans le milieu
assez restreint où je me suis condamné à me mouvoir.» Quoique certains
d'entre eux aient été écrits avant cette déclaration d'intention, les
quatre romans rassemblés dans ce volume l'illustrent parfaitement.
Faire le tour du monde en quatre-vingts jours, traverser la Russie de
Moscou à Irkoutsk, jouer à la vie à la mort dans l'Empire céleste,
retrouver un amour disparu aux confins de la Transylvanie, tels sont
leurs enjeux. Il ne s'agit pas vraiment de découvrir des pays exotiques.
Quant à la science, souvent invoquée jusqu'alors par Verne comme
élément générateur de l'intrigue, elle ne joue, dans trois de ces livres
au moins, qu'un rôle mineur. Ce qui compte, c'est la vitesse : avaler
des kilomètres pour gagner un pari, pour faire son devoir, ou pour
échapper à un destin que l'on a soi-même, et bien imprudemment, tramé.
Quant au Château des Carpathes, roman gothique, en cela unique dans la
production de Verne, il ne déroge pas au principe constitutif du genre :
c'est bien un récit de voyage. Mais la principale frontière à
considérer, cette fois, est celle qui sépare la vie et la mort. Peut-on
redonner vie aux morts, en les ressuscitant par l'image et par la voix?
Le roman paraît trois ans avant les premières projections des frères
Lumière. La «seconde vie» de son héroïne est certes un leurre, mais
cette illusion est promesse d'une vie nouvelle que le cinéma va
s'employer à perfectionner. «Nous sommes dans un temps où tout arrive»,
dit Verne. En effet : sans affaiblir la force persuasive des
chefs-d'œuvre, Le Château des Carpathes interroge de l'intérieur les
instruments de persuasion et de représentation propres à toute fiction.
Jules Verne ou la Vision du Futur (2001)
Bibliographie commentée
- Cinq semaines en ballon (1863)
- De la Terre à la Lune (1865)
- Voyage au centre de la Terre (1867)
- Les Enfants du capitaine Grant (1868)
- Vingt mille lieues sous les mers (1869) - roman où apparaît le Capitaine Nemo et son Nautilus.
- Paris au XIXe siècle (1869)
- L'île Mystérieuse (1869)
- Le Tour du monde en 80 jours (1872)
- Michel Strogoff (1876) ........
Documentaire : Jules Verne et les avancées technologiques à notre époque
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