On n’imagine pas caractères plus dissemblables, conceptions de la vie plus différentes et rapports à la littérature plus divergents que ceux de George Sand et Gustave Flaubert.
Pourtant, leur correspondance est l’une des plus belles qui soient et apporte un éclairage indispensable sur leurs oeuvres et leurs démarches artistiques. Son intérêt est multiple : tant pour l’histoire littéraire que pour la connaissance des idées philosophiques, esthétiques et politiques de l’époque. Cependant, elle est souvent réservée aux seuls spécialistes.
Cette réédition de la correspondance croisée Sand/Flaubert essaye de la rendre plus abordable dans sa présentation, de telle sorte que le lecteur puisse naviguer dans les échanges épistolaires entre le « vieux troubadour » et le « chère maître » avec fluidité.
Dans ces lettres se déploie une profonde amitié entre ces deux écrivains qui échangent sur leur art, les affres de l’écriture, leurs contemporains, les événements politiques de leur temps, leurs amis et familles comme sur les choses plus triviales de l’existence. Enthousiasme et dégoût, joie ou tristesse, colère ou allégresse, cette correspondance est vibrante de vitalité et d’esprit. Sa lecture s’avère à la fois passionnante et émouvante.
Lettres à George Sand : “Tu aimes trop la littérature, elle te tuera”
Le 30 avril 1857, Flaubert et Sand se rencontrent au théâtre de l’Odéon. Il vient de publier “Madame Bovary”, et plein d’ambition, il veut tourner la page de la littérature romantique. Malgré ses préjugés, une amitié naît entre eux, et Sand rentre dans sa vie, comme une mère de substitution ?
"Tous les jours, je lis du George Sand et je m'indigne pendant un
quart d'heure" écrit Flaubert à son ami Louis Bouilhet le 30 mai 1855,
quelques temps avant de rencontrer Sand en personne, et de nouer avec
elle une amitié puissante et sincère.
Quand Flaubert grandit, George Sand est devenue un écrivain
incontournable : comment donc devenir Flaubert pendant l'ère sandienne ?
Elle incarne tout ce qu'il déteste : le sentimentalisme, le romantisme,
la littérature féminine, la prétention morale.
Et pourtant... leur correspondance est sublime, drôle, émouvante, et
leur amitié, par-delà leurs désaccords profonds, un modèle du genre.
L'invité du jour :
Thierry Poyet, romancier, maître de conférences HDR en littérature française, enseigne à l’Université Clermont Auvergne, spécialiste de la seconde moitié du XIXe siècle, a publié plus de cinquante articles et une vingtaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à Flaubert
Une amitié aux débuts difficiles
L’amitié avec George Sand a commencé avec un certain nombre de difficultés : le jeune Flaubert n’appréciait pas la littérature sandienne, qui correspond à un romantisme dans lequel il a baigné dans toute sa jeunesse, mais il veut tourner la page de cette littérature-là… Son regard sur Sand est assez négatif, il s’en moque volontiers, dans sa correspondance avec Louise Colet notamment, ou même dans ses premiers romans de jeunesse.
Thierry Poyet
La littérature, de l'intérieur...
Le personnage de Flaubert est très paradoxal : il veut tourner la page de ce romantisme, et en même temps, les grandes figures de cette littérature, Victor Hugo, George Sand, à défaut d’être des modèles, sont des gens qui l’inspirent, qu’il admire, et il y a donc l’envie chez le jeune Flaubert, qui vient de publier “Madame Bovary”, de rencontrer le succès, donc comment faire si on doit faire autrement que Hugo ou Sand ? En se rapprochant de ces gens-là, c’est une manière pour lui de mieux comprendre ce qu’est la littérature de l’intérieur…
Lettres lues par Bernard Gabay :
- Lettre de Gustave Flaubert à George Sand, 23-24 janvier 1867, Paris, dans Gustave Flaubert - George Sand : Correspondance, éditions Flammarion, texte édité par Alphonse Jacobs (avec une musique de Théodore Gouvy, Sonate n°3)
- Lettre de Gustave Flaubert à George Sand, 7 octobre 1871, Croisset, dans Gustave Flaubert - George Sand : Correspondance, éditions Flammarion, texte édité par Alphonse Jacobs
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