Restitution des 57 lettres de G. Sand à son amant auxquelles s'ajoute un mémoire qu'elle lui avait confié pour son procès de séparation. Présentation également de trois lettres de Michel de Bourges et de quelques autres documents. L'ensemble permet de suivre l'évolution de leur relation.
Michel de Bourges
Il y a deux cents ans, le 30 octobre 1797, naissait à Pourrières (Var) Louis-Chrysostome Michel (1). Dans ce même village, sept mois plus tôt, son père Jean-Baptiste a été massacré par des « brigands » royalistes. Ce fils posthume d’un martyr républicain devait devenir le fameux Michel de Bourges.
Pourrières est en l’an V un des pôles du brigandage ; des bandits royalistes, déserteurs souvent, volent sur les routes, attaquent les diligences, se réfugient dans les bois ; une « Terreur blanche » va tuer, en un seul mois, à Pourrières, dix-huit républicains bûcherons ou charbonniers.
Michel est élevé par sa mère, on le conçoit, dans un républicanisme farouche. Après des études au collège d’Aix-en-Provence, il s’engage comme volontaire dans la légion du Var pour échapper aux royalistes de 1815 et à une nouvelle « Terreur blanche ». Un de ses camarades ayant déserté pour aller voir sa mère mourante, il est requis pour le défendre devant le conseil de guerre. Il montre une telle éloquence, une telle chaleur de conviction qu’il emporte l’acquittement.
C’est ainsi qu’il arrive à Paris pour faire son droit ; pour vivre, il est « pion » et répétiteur et se lie aux mouvements républicains clandestins (la Charbonnerie). Il retrouve Thiers et Mignet (connus à Aix), fréquente Manuel et Buonarotti (La Conspiration des Égaux).
Reçu avocat en 1826, il s’inscrit au barreau de Bourges, épouse dans cette ville une riche veuve et acquiert la réputation d’un avocat qui ne ménage ni sa personne, ni surtout pas le gouvernement de Charles X. Il est au premier rang à Bourges, en juillet 1830, lors de l’insurrection. En 1831, il obtient l’acquittement de dix-neuf membres du Comité d’action républicain. En 1834-1835, c’est un des défenseurs des républicains lors du procès monstre – deux mille prisonniers politiques – devant la haute cour de justice, et notamment les Canuts de Lyon. « L’infamie du juge fait la gloire de l’accusé ». En 1840, il préside à Bourges puis au Mans des banquets républicains réclamant l’extension du droit de vote. Il est élu député de Niort de 1837 à 1839. Élu à l’Assemblée législative en 1849, député de la Montagne, il prononce plusieurs interventions énergiques. Il pense que le peuple, « sentinelle invisible », pourra s’opposer au coup d’État. En décembre 1851, il se dresse contre la violation de la Constitution et doit s’enfuir en Suisse, puis en Belgique.
En 1835 George Sand vient le trouver à Bourges. Des amis communs lui ont recommandé ce brillant avocat pour plaider sa séparation d’avec son mari le baron Dudevant. L’arrière-petite-fille de Maurice de Saxe, cousine de Louis XVIII et de Charles X, est déjà une républicaine gagnée au socialisme. Michel encourage cette tendance et politise ses convictions. « Et ce petit homme hardi, voûté, chauve, vieux avant l’âge et passablement laid, d’humble souche paysanne, fut peut-être l’amant le plus satisfaisant qu’eut jamais George Sand ». Michel gagna le procès en séparation de sa maîtresse.
À cette époque, George Sand écrivit Engelwald le Chauve, roman non publié, fondé sur le personnage de Michel de Bourges ; elle en reporta la publication, puis en 1864, ses opinions s’étant modifiées, elle brûla le manuscrit.
C’est dans un autre de ses romans, Simon, (premier de ses romans républicains) qu’il faut aller chercher un « portrait » de l’avocat. Simon paraît en 1836, le héros est un avocat. « Sa voix (est) pure et grave… ses grands yeux noirs ». Et la poétesse évoque « cette puissance, cette bravoure et cette rudesse d’honnêteté qui faisaient sa plus grande force… C’était un homme à tout oser en matière politique, et à tout dire sans le moindre ménagement ».
Michel de Bourges meurt à Montpellier le 16 mars 1853.
Jean Jarry
(1) Un des prénoms attribués à Michel de Bourges est « Chrysostome » (« bouche d’or »). Or à POURRIERES (Var) où il est né, les registres d’état civil ne mentionnent pas ce prénom. Comment dans cette famile très modeste aurait-on connu le grec …et l’avenir de l’enfant !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire