«En contrepoint de ses œuvres de fiction, António Lobo Antunes, dans Livre de chroniques, ne cesse de laisser penser ses sens. Il bouscule une fois encore nos idées reçues sur l'écriture, fouille les labyrinthes de la mémoire, architecture ses obsessions : la guerre - celle des sexes, celle des Etats, celle des groupes sociaux, toutes celles qui donnent envie de "regarder, avec une émotion croissante, une gravure poussiéreuse dans le grenier qui montre une jubilante multitude de pauvres autour de la guillotine où l'on coupe la tête de rois" -, la cruauté, la désespérance. "Peut-être qu'il fait toujours nuit quand on a grandi ?" Le Livre de chroniques refermé, comme chaque page écrite par António Lobo Antunes depuis Le Cul de Judas, incite le lecteur à pénétrer dans cette nuit afin de mieux entendre la sienne.» Claire Juliet, Le Passe-Muraille Des scènes de l'enfance de A. Lobo Antunes ressuscitées dans leurs moments de grâce ou de terreur. Des fables sur des couples abîmés, fracturés, en mal d'amour, des évocations poignantes de tête-à-tête avec des patients qu'il soignait dans un hôpital psychiatrique. Des monologues de veuve, d'assassin, de colonel à la retraite, de collectionneur de papillons, de boxeur, de bègue...
"Dormir accompagné", de Antonio Lobo Antunes Ca peut pas faire de mal Guillaume Gallienne
Partons sur les traces d'une autre enfance, en compagnie du grand maître de la littérature portugaise, Antonio Lobo Antunes. « Toute ma vie j’ai dormi accompagné. J’ai commencé par un berceau enrubanné de tulle près du lit conjugal. Du berceau, je suis passé à une chambre partagée avec mon frère Frederico, qui prenait au sérieux les équations du second degré, le réseau fluvial du Vouga et les compléments indirects, pendant que moi je me penchais à la fenêtre du jardin pour reluquer la filleule du boulanger. Aujourd'hui, je suis toujours à la fenêtre à attendre que les jours d’antan reviennent dans la paume de ma main comme de fidèles boomerangs. Dans le fond, le temps n’a pas passé : si je colle l’oreille à mon enfance, comme à un coquillage, j’entends une mer de jours ensoleillés et de rire de cousines en bikini, ajournant ma mort et m’accordant l’espérance. » Antonio Lobo Antunes Cet amoureux inconsolable, élevé dans la douceur d’une autre époque, est l’une des plus grandes personnalités des lettres portugaises actuelles, l’écrivain Antonio Lobo Antunes. Psychiatre de formation, l’auteur s’est fait connaître à la fin des années 1970 en publiant trois romans qui dénonçaient l’une des grandes tragédies de son pays : la guerre d’Angola. Dans Mémoire d’Éléphant, son premier livre, publié en 1979, il revenait sur son passé de médecin militaire en pleine guerre coloniale. Un passé qui continue de le hanter dans les deux ouvrages, Le Cul de Judas, publié en 1979, et Connaissance de l’Enfer, en 1980. Né en 1942 dans la bourgeoisie de Lisbonne, le jeune médecin nourrit un lourd sentiment de culpabilité : celui d’avoir été du côté des bourreaux, envoyant de jeunes hommes à la guerre. Peu à peu, l’écriture lui apparaît comme le seul moyen de rendre leurs lettres de noblesse à ces petites gens qu’il a le sentiment d’avoir trahi. Ces lettres de noblesses composeront, plus tard, cinq volumes du Livre des chroniques, commencé en 1998, où l’écrivain aborde la guerre sous toutes ses formes : guerre des sexes, guerre économique, guerre sociale... Le Portugal d'avant Salazar Guillaume Gallienne nous propose d'ouvrir le second volume de ces Chroniques, publié en 2001, qui s’intitule, Dormir accompagné, et qui ressuscite tout un monde perdu : celui de l’enfance de l’écrivain, à une époque où la dictature de Salazar n’a pas encore cédé la place à la démocratie ; une époque où les servantes badinent avec les voyous du quartier, et enfantent les révolutionnaires de demain. Bienvenue dans le quartier de la Benfica, dans la Lisbonne des années 1950... Bibliographie Extraits de la traduction de Carlos Batista chez Christian Bourgois Editeur.
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