jeudi 24 juin 2021

Livre - La modification - Michel Butor

 


« La Modification », ou le don de voir extraordinaire de Michel Butor

Malgré un système d’écriture pesant fondé sur la répétition et la peinture obsédante des choses, l’écrivain se révèle un psychologue hors pair. Il signe un des romans les plus importants de l’année. Cet article est paru dans « Le Monde » du 13 novembre 1957. 

On disait de Courbet, peintre réaliste, que c’était un œil au bout d’un pinceau. On pourrait dire pareillement de M. Michel Butor, le romancier de L’Emploi du temps et de La Modification, que c’est un œil au bout d’un crayon à bille. Rendant compte, l’an dernier, de l’Emploi du temps pour en signaler les mérites et en dénoncer le système, j’avais comparé son appareil optique à celui de la mouche, qui, dit-on, voit tout autour d’elle sans perdre de vue devant elle ce qui peut fixer son regard. Le don de voir de M. Michel Butor est extraordinaire. De cette disposition physique méthodiquement dirigée il s’est fait un système, un peu trop pesant à mon gré, qu’il partage d’ailleurs avec plusieurs autres, Robbe-Grillet ou Claude Simon, dont j’ai reconnu le loyal effort et même quelquefois l’intérêt, sans être toujours d’accord avec eux sur la réussite de l’œuvre et l’utilité du but qu’ils poursuivent quand ils subordonnent l’importance de la chose à dire à la façon nouvelle de la dire, quand ils sacrifient le sujet au mode de présentation et au tour.

J’ai reproché l’autre jour à M. Simon ses phrases interminables qui n’expriment volontairement que la confusion d’un esprit envahi de perceptions entre lesquelles il lui est impossible de choisir (c’est-à-dire de juger l’essentiel, travail qu’il laisse à faire à son lecteur), et je me suis plaint de l’obscurcissement de son éclairage. A quoi M. Claude Simon m’a répondu avec beaucoup de courtoisie que c’est à force d’être obscur ou de paraître obscur qu’on finit par voir l’invisible. Grand consommateur en fait de lecture et intéressé par tout apport humain nouveau, j’attends et je continuerai d’attendre M. Claude Simon sur ses résultats. Pour sa part, M. Robbe-Grillet, qui est aussi bon théoricien et devra un jour nous donner la doctrine de la nouvelle école de roman dont il est manifestement le chef de file, avec Le Voyeur et La Jalousie a démontré la précision et la netteté de sa méthode, et comme c’est lui le moniteur de ce qu’on pourrait appeler, faute encore de mieux, l’Ecole du Regard, c’est de lui que nous attendons aussi le dépassement de ses préoccupations techniques pour un franc retour à l’humain. Jusqu’ici M. Robbe-Grillet porte toute son attention à mettre en évidence les choses, les objets, et ses dons d’observation matérielle à cet égard sont remarquables. Mais tout de même nous préférons à tous objets, même bien peints et mesurés au millimètre, l’homme et son âme. Les plus grands chefs-d’œuvre sont sans accessoires ; ou du moins l’accessoire y garde son sens étymologique : qui accompagne l’essentiel sans être esthétiquement nécessaire à la composition de l’œuvre d’art, tableau, tragédie ou roman.

 

La Modification, de Michel Butor Guillaume Gallienne

Emission du 15 octobre 2016 Ca peut pas faire de mal France inter Un grand écrivain français nous invite au voyage, un voyage dans le temps. Il s’agit de Michel Butor, figure emblématique du « Nouveau Roman », dans les années 1950, auprès de grands noms comme Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, qui ont 

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